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Edouard Bergeon, 29 ans. Poitevin et réalisateur de documentaires. Auteur des « Fils de la terre », diffusé le 28 février sur France 2. Un film coup de poing sur la condition de vie des agriculteurs. Une façon, aussi, d’exorciser un drame personnel. Catharsis réussie.
Son père lui manque «terriblement». Mais aussi bizarre que cela puisse paraître, Edouard Bergeon se sent aujourd’hui «apaisé». Comme libéré du poids de treize années de souffrance, d’un deuil paternel si long à opérer. Le 29 mars 1999, Christian Bergeon s’est donné la mort, en avalant des pesticides. «Il s’est écroulé sur mon lit et m’a répété en hurlant qu’il ne voulait pas mourir.» Drôle de croix à porter pour ce fils et petit-fils d’agriculteur, établi à Jazeneuil. Qui, du coup, a tourné le dos pour de bon au monde de l’agriculture. «A l’époque, j’étais en seconde au lycée agricole de Venours, j’ai tout arrêté…»
Le 28 février, dans l’émission Infrarouge, sur France 2, les téléspectateurs découvriront l’un de ses premiers documentaires solo(*), « Les Fils de la terre ». Pendant plus d’un an, Edouard a suivi un éleveur laitier de Figeac (Lot) presque au quotidien. Un quotidien fait de galères professionnelles et de souffrances personnelles, de dettes abyssales et de conflits familiaux larvés…
On y découvre Sébastien, 38 ans, en proie à la tentation du suicide. Troublant parallèle. «Cette famille aurait pu être la mienne», reconnaît sans fard Edouard. Le réalisateur signe un film coup de poing, engagé et personnel. Il ne s’en cache pas. «Il y a une dimension militante, à quelques mois des présidentielles. Je veux attirer l’attention du public sur ce monde agricole si mal compris. Mais c’est aussi une forme de catharsis personnelle. Je suis heureux de l’avoir fait.»
Du taiseux au diseux
D’une certaine manière, l’ancien coureur cycliste de bon niveau a rompu la chaîne familiale. Terminée l’ère des taiseux. Edouard Bergeon est un diseux, trop content de pouvoir «raconter des histoires». Du reste, depuis l’obtention de son diplôme de journaliste, l’ancien pigiste de La Nouvelle République et de France 3 Poitou-Charentes accumule les expériences en France et à l’étranger. A France 2, il pense faire carrière dans le saint des saints, la rédaction sportive. Le voilà reversé dans le service «société/environnement/agriculture», en pleine canicule de l’été 2005. ??«Je me suis dit «oh merde» ! Mais bon, il n’y a pas de hasard…» De Télématin aux JT de 13 et 20 heures, le titi poitevin vit à cent à l’heure dopé à «l’adrénaline» du métier. Puis il quitte le service public pour la boîte de prod’ «Tony Comiti Production». Il chope le virus de la caméra à l’occasion d’un reportage au Bois de Boulogne, tourne des sujets pour 66 minutes « en prime time » (M6) et… rencontre Mélissa Theuriau.
L’expérience des rencontres
À l’été 2010, Madame Jamel Debbouze lui propose de tourner un documentaire sur trois copains d’enfance propulsés stars : son mari bien sûr, Omar Sy et Nicolas Anelka. La semaine dernière, «L’Entrée des Trappistes» a «pété les scores» sur Canal+. Dans l’ombre, le fils de la terre à l’ambition revendiquée s’est mué en petite souris sur les traces des p’tits gars de la banlieue au destin extraordinaire. Encore une histoire de retour aux racines. De valeurs familiales. D’éducation. De travail acharné. «Ces belles rencontres, il faut savoir les provoquer et saisir les occasions. J’ai su gagner leur confiance, me faire accepter. C’était une belle expérience.» Même Anelka le... taiseux a fendu l’armure avec lui. Il espère «garder le contact», comme avec Sébastien d’ailleurs.
Mais pour le moment, Edouard aspire à «quelques vacances», à se «retrouver face à lui-même». Il vient de se racheter un vélo, projette l’ascension du Mont-Blanc à pied en août. Et revient « une fois par mois » aux sources, histoire de respirer un autre air. Sa mère habite Fontaine le Comte, elle est naturellement «super fière de son rejeton». Eugénie, sa petite soeur, vit à Lyon. Freelance comme lui, dans les arts graphiques. Et apaisée sans doute. Avec «Les Fils de la terre», le fils de la famille s'est libéré de ses névroses. C’est peu et beaucoup à la fois.
(*) Produit par Magneto presse et Sable rouge.
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lundi 23 décembre