Aujourd'hui
Il y a dix jours, une jeune Niortaise de 16 ans a été mise en examen par le parquet de Poitiers, après que la police eut retrouvé, au domicile de ses parents, le corps sans vie d’un nouveau-né. Dans bien des cas, la suspicion d’infanticide renvoie à l’éventualité d’un déni de grossesse. Le lien n’est pourtant que rarement établi. Explications…
Fin mai, une jeune femme de 16 ans se présente aux urgences de la clinique Inkermann à Niort. Un rapide examen suffit à établir qu’elle n’a plus de placenta. L’absence de bébé conduit les services de police à mener des recherches au domicile des parents de l’adolescente. Le nouveau-né y est retrouvé, caché dans un cagibi. L’autopsie révèle qu’il a été étouffé.
Le dossier est immédiatement confié au parquet de Poitiers, qui ordonne la mise en examen de la jeune maman pour homicide volontaire et son placement en détention provisoire. La justice est en marche. Et est désormais seule habilitée à faire la lumière sur cette triste affaire.
Mécanisme inconscient
Le sujet interpelle à plus d’un titre. Renvoyant notamment, comme très souvent dans pareil cas, à la suggestion d’un lien direct entre infanticide et déni de grossesse. « Dans l’imaginaire populaire, il y a toujours une corrélation entre ces deux événements et pourtant, ils sont très rarement associés. » Le Dr Jean-Jacques Chavagnat, psychiatre au centre hospitalier Henri-Laborit, est régulièrement confronté au déni. Heureusement beaucoup moins à l’extrémité de l’homicide. « Il est toujours très difficile, sur de tels sujets, d’établir des statistiques, poursuit le médecin. Mais on estime que seul un déni sur cinq cents mènerait à l’acte meurtrier. »
Bien que régulièrement dissociables, déni de grossesse et infanticide interrogent toutefois l’un et l’autre sur le mal-être des femmes, leur réel désir d’avoir un enfant et les conditions qui rendent possible l’acceptation du bébé. «Il existe deux cas de dénis, le total et le partiel, éclaire Jean-Jacques Chavagnat. Dans le premier cas, la future maman peut ne pas prendre conscience du tout qu’elle est enceinte, ne subir aucune modification physique et physiologique, jusqu’à avoir des cycles menstruels normaux et ne se rendre compte de petites anomalies qu’au seuil de l’accouchement. Le déni partiel ou dénégation, lui, prend généralement fin quelques semaines avant de donner naissance. »
État de sidération
Quelles que soient sa forme et sa durée, le déni n’est nullement un mensonge délibéré, mais «un mécanisme psychique inconscient de défense ». C ontre l’inimaginable. L’imprévu. Voire l’intolérable. Parmi les points communs à toutes ses victimes : l’état de « sidération » dans lequel elles se retrouvent à l’heure de l’accouchement. « Elles ne comprennent pas, souligne Jean-Jacques Chavagnat. Nombre de futures ou jeunes mamans sont sujettes à des états dépressifs. Là, on se situe dans une autre dimension, celle du désespoir et de la panique. » Devoir faire face à l’inconcevable peut sans doute, alors, expliquer certaines réactions extrêmes. « C’est toute la difficulté de la démarche juridique, étaie le pédo-psychiatre Daniel Marcelli. Si une femme accouche seule et est prise de panique, les chances de survie de l’enfant sont de toute façon minces. Manque de soins, chute, étouffement naturel… Tout est envisageable. Où se situe, dès lors, la responsabilité de la maman ? C’est là une question essentielle. » Une question que les fourches caudines de la justice ont, faut-il l’avouer, souvent bien du mal à trancher.
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