Hier
L’hôpital Henri-Laborit de Poitiers accueillera, en octobre, le premier centre de recherche clinique psychiatrique jamais créé en France. Cette unité intersectorielle à vocation régionale sera ouverte à l’expertise et aux projets de tous les acteurs de la santé publique mobilisés par la découverte de thérapies ciblées et individualisées.
On a souvent reproché à la psychiatrie de vivre en vase clos, ignorant et ignorée du monde qui l’entoure. Autant ne pas bouder son plaisir et décerner d’emblée à la première unité intersectorielle de recherche clinique française le prix de la transparence et de l’ouverture.
Aucune structure hospitalière n’avait jusque-là osé sauter le fossé séparant l’étude réflexive de la recherche scientifique. Henri-Laborit l’a fait. Qui sait cette initiative ne constituera pas le ciment d’une révolution, longtemps espérée mais fréquemment repoussée, des mentalités et des pratiques.
Adossé à une longue tradition de formation, courtisé par les éminences grises de renom et les plus grands laboratoires de recherche, le centre hospitalier poitevin trouve dans la concrétisation de ce projet la récompense d’une quête patiente et constructive. Avec cette nouvelle unité, le CHHL fait la promesse de briser les carcans de l’individualisme. En invitant médecins généralistes, psychiatres libéraux, mais aussi infirmières, psychologues et même retraités à mettre en commun leurs idées et leurs projets. « Voilà pourquoi ce centre est intersectoriel, explique le Dr Nemat Jaafari, responsable de l’unité. Il s’ouvre à toutes les expertises médicales, à tous ceux qui sont désireux de faire avancer la recherche. Un intervenant a une idée ? Nous lui apporterons une aide méthodologique. Il porte un projet et un protocole scientifique ? Nous le soutiendrons de notre logistique et soumettrons son projet et son protocole à l’avis d’experts. Le but est que chacun apporte son écot à notre entreprise et fasse « avancer le schmilblick ». »
50% de pathologies résistantes en moins
Cette entreprise-là s’est fixé un objectif suprême : mettre au point des traitements tenant davantage compte des particularismes de chaque patient. « Aujourd’hui, nous ne savons toujours pas pourquoi 40% des pathologies psychiatriques sont résistantes aux traitements de notre arsenal thérapeutique, poursuit le Dr Jaafari. S’inscrire dans une démarche résolument scientifique, c’est mettre le doigt sur cette certitude qu’à l’intérieur de chaque pathologie, tous les cas sont différents. »
Nemat Jaafari mise plus que jamais sur l’entraide et l’émulation pour asseoir les ambitions de son centre. « J’ai plusieurs espoirs, explique-t-il. Que, d’ici cinq ans, nos travaux nous permettent de mieux expliquer, cerner et combattre la moitié des pathologies encore résistantes. De contribuer au-delà à une personnalisation optimale de nos traitements et à la réduction progressive des prescriptions probabilistes. Et puis, je pense aussi aux jeunes psychiatres. Ce centre, placé au cœur d’une région qui manque cruellement praticiens, doit constituer pour eux un terrain d’expression et d’évolution idéal. » Une vraie terre d’asile professionnelle que la France et la psychiatrie internationale regarderont bientôt d’un œil envieux et admiratif.
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TRAVAUX
Livraison en octobre
Bien qu’opérationnel depuis 2010, le centre intersectoriel de recherche clinique d’Henri-Laborit n’avait jusque-là aucun point de « convergence physique ». Difficile, dans ces conditions, de mobiliser les moyens et de fusionner les idées. Un bâtiment comprenant de nombreux bureaux et salles d’examens doit donc être aménagé, derrière le pavillon Lagrange, à partir du mois de mai, pour une livraison en octobre.
ACCUEIL
A quarante pour la recherche
Placé sous l’autorité d’un comité de pilotage et d’un conseil scientifique, le centre intersectoriel abritera une dizaine de permanents et pourra accueillir une quarantaine de personnes autour de l’acte de recherche. Il aura sen outre la possibilité de suivre des patients en direct.
ETUDES
La psychiatrie dans tous ses états
Dangerosité, troubles du langage, relation mère-enfant, addictologie, schizophrénie, trouble obsessionnel compulsif, psychologie, dépression, suicide... Le futur centre étudiera toutes les pathologies recensées dans le champ d’exploration de la psychiatrie.
DEMARCHE
Ouverture et cohésion
Nemat Jaafari maîtrise l’anglais à la perfection. La réussite de son centre ? Il l’explique en cette phrase: « Open your mind ! Yes we can, all together ! » En français ? « Ouvrez votre esprit ! Nous y arriverons, tous ensemble ! » Du Obama… encore plus solidaire !
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lundi 23 décembre