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Aujourd'hui
Florian Baudrou, made in China
Florian Baudrou. 42 ans. Châtelleraudais d’origine, Hongkongais d’adoption, entrepreneur en Chine. Bosseur et déterminé. S’est construit à travers des rencontres et des projets. Accro au piano.
« Le piano, c’est la concentration, la dextérité… On est face à soi-même, il n’y a pas de facteur chance. » Au bureau, chez ses parents à Châtellerault, dans son appartement à Hong Kong, un peu partout Florian Baudrou a posé des pianos. A 42 ans, le PDG fondateur d’Inerys vit entre deux avions, entre deux usines, entre deux salons, entre deux projets. Le cancre du lycée Branly a tissé sa toile loin de sa ville natale. « Pas forcément très bon élève, peu assidu, casse-cou, préférant rejoindre les copains en scooter », le quadragénaire, fils d’artisan peintre et de pupitrice, façonné par « une éducation très stricte », n'aimait pas l’école. Travailler, il savait et ne rechignait pas à nettoyer des machines ou récurer des tuyaux quand ses petits boulots d’été le requéraient. Mais l’école… Avec 7,62 au bac au terme de sa première terminale, il n’a même pas eu droit au rattrapage. Or sans le précieux sésame, pas d’école de commerce, « la seule chose que je voulais faire ». L’année suivante, au lycée Berthelot, Florian frôle la mention AB (11,61) et intègre l’ISEG, début d’« un parcours fluide » entamé à Toulouse et poursuivi à Nantes. Il raconte une vie étudiante joyeuse, des stages judicieusement choisis à la Macc, Carrefour ou Valeo. « Je voulais l’étranger », se souvient le quadragénaire qui a fait ses premières armes à Leicester (Angleterre), Comillas (Espagne), puis Wuhan et Wenling. La Chine enfin, son coup de foudre de toujours. Et cette certitude : il ne travaillerait ni dans la grande distribution ni dans la logistique.
Après l’ISEG, il entre à Saint-John’s University, à New York. « Florian et sa désorganisation », plaisante-t-il au souvenir du logement qu’il a partagé avec deux colocataires à Harlem. Le quartier n’avait pas bonne réputation mais « c’était pas cher !, se défend-il. Et à l’époque on rationnait même le Sopalin. » Il se met alors en tête de suivre le programme de Volontariat international en entreprise. Les places sont rares. Pour décrocher un entretien avec le directeur de Canal Toys -et un poste en Chine-, il se fait passer pour le responsable d’un grand groupe français. Gagné ! Rodolphe Coute le soumet gentiment à la question. « Il m’a dit que ma photo n’était pas très sexy, m’a demandé si je savais jouer au billard… Il m’a testé », sourit Florian qui débarque en septembre 2007 à Hong Kong, « en costard cravate », une entorse consentie à son style « casual ».
« On était quatre Français dont deux voulaient ma peau. Je bossais, ça a été très dur. Mais je me suis interdit de renoncer. » L’expérience dure deux ans. En 2010, il s’installe en Chine, rejoint par Jean-Yves, ex-stagiaire de chez Canal Toys. « Je voulais monter ma boîte. J’y ai mis 18 000€, toutes mes économies ! » Activité : des goodies, sacs et autres pochettes. Clients : des importateurs français. « Pendant trois mois il ne s’est rien passé, puis le quatrième on a reçu une première petite commande, et l’année suivante ça a décollé. » Inerys s’est fait une place auprès d’entreprises françaises du tourisme comme Look Voyages, Voyages Transat, Nouvelles Frontières… « En 2012, ça a été la rupture. J’ai fermé mon bureau en Chine (ndlr, pas la société) et, avec Jean-Yves, on est allés au Vietnam. Deux années extraordinaires, glisse Florian avec un brin de nostalgie. On était encore dans la jeunesse et l’inconscience. » Sous-entendu : « Avec l’âge, tout s’alourdit… » En 2013, les deux compères font le chemin à l’envers. En 2014, Florian ouvre une plateforme avec salle d’échantillonnage, en 2017 une usine de fabrication. « Je m’étais donner dix ans pour le faire », confie l’adepte des « challenges personnels décennaux ».
La crise Covid le cueille à Châtellerault. Son mariage avec sa future épouse hongkongaise est reporté. Florian choisit de rester en France, auprès de ses parents et au plus près de sa deuxième activité, l’immobilier. Pendant ce temps, en Chine, Vicky, sa partenaire professionnelle, orchestre la production… de masques. « On en a produit 4 millions, on a été submergés de demandes ! »
Le retour en Asie se révèle compliqué, et pas seulement à cause des quarantaines imposées de plusieurs semaines. « L’activité était au ralenti, je me suis senti menacé financièrement. » S’arrêter là ou accélérer ? La question revient régulièrement le tarauder mais « le confort tue », répète l’homme d’affaires pour qui des vacances se résument à « un week-end de trois-quatre jours ». En guise de réponses, en 2021 il crée Proteke, la filiale R&D d’Inerys, marque de sa mutation écologique, et voilà huit mois il construit une nouvelle plateforme dédiée à l’activité commerciale.
« On a tous eu nos galères », lâche Florian. Mais il y a aussi eu beaucoup de chance. » Et de belles rencontres. Reste cette ombre au tableau, l’absence de paternité, « LA carence » pour le Châtelleraudais d’origine qui vogue depuis presque vingt ans entre deux mondes. « Professionnellement parlant, je suis Chinois. Culturellement parlant, je suis Français. »
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