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Aujourd'hui
Florian Baudrou, made in China
Florian Baudrou. 42 ans. Châtelleraudais d’origine, Hongkongais d’adoption, entrepreneur en Chine. Bosseur et déterminé. S’est construit à travers des rencontres et des projets. Accro au piano.
Silence, on tourne ! Ou plutôt il raconte. Face à Roland Gaillon, « enfant caché » de la Seconde Guerre mondiale, les élèves de 3e du collège Jean-Moulin de Poitiers sont bouche-bée ce matin-là. Son histoire vaut assurément toutes les dates, lieux et récits de la Shoah imprimés dans les manuels scolaires. « Je suis l’un des derniers témoins, et l’un des plus jeunes : j’ai 87 ans », s’amuse à préciser l’octogénaire devant le parterre d’adolescents. Depuis plus de trente ans, c’est à dessein qu’il écume les collèges et lycées, et qu’il s’est même aventuré récemment auprès d’élèves de CM2. « En 1993, il y a eu une poussée de négationnisme en France, je n’ai pas supporté, explique-t-il. Je me suis dit qu’il fallait absolument témoigner. » L’histoire de ses très jeunes années n’est que le point de départ d’une réflexion plus large, politique au sens premier du terme. Alors avant même de la raconter, le Châtelleraudais interroge son auditoire : « Qu’est-ce qu’un juif ? » Puis il égrène les réponses possibles : une religion ? Une race ? Une nationalité ? Une culture ? Une langue, l’hébreu ? Et il tranche : « Ma famille était athée et agnostique. Je suis membre du peuple juif par respect pour mes ancêtres et ce qu’ils ont souffert. »
Roland avait 4 ans et demi, son frère Alain deux de plus, lors de la rafle du Vel’Hiv’ en juillet 1942. Peu après, leur mère –« [son] père était déjà interné à Drancy »- les a envoyés chez un oncle paternel, à Thonon-les-Bains, par le train, seuls. « Je me souviens que, sur le boulevard qui descendait vers la gare de Lyon, ma mère s’est arrêtée pour nous acheter à chacun une petite écrevisse en sucre, raconte Roland. J’entends encore sa voix nous dire : à partir de maintenant, vous ne vous appelez plus Goldenberg mais Gaillon. Si vous vous trompez, vous risquez d’être tués et de faire tuer ceux qui sont avec vous. » Le petit garçon a passé les années de guerre à Annecy, auprès de ses grands-parents. « Le retour à Paris a été très difficile, il fallait être comme les autres enfants alors qu’on était des adultes en culottes courtes. On nous a volé notre enfance. » Le retraité, docteur en médecine, égrène des anecdotes choisies avec soin pour résonner avec la sensibilité de son jeune auditoire. « Avec mon frère, nous avons attendu très longtemps que nos parents reviennent. J’y croyais car j’avais trop lu d’histoires de déportés retenus en URSS ou qui étaient revenus après avoir erré. Mes grands-parents savaient depuis 1946 qu’ils étaient morts en novembre 1944 à Auschwitz, mais ils avaient donné la consigne de ne rien nous dire. Je l’ai découvert en 1953 quand ils m’ont emmené au cimetière du Montparnasse, quand j’ai lu « Sonia et Robert Gaillon » sur le caveau familial. J’avais 15 ans. » Roland a toujours conservé comme patronyme le nom de cette ville de l’Eure que ses parents n’ont jamais porté de leur vivant. « J’ai été élevé dans la haine des Allemands mais je l’ai échangée contre la haine du nazisme, poursuit-il. La paix viendra non pas des gouvernements, mais entre nous. »
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