La police judiciaire ne veut pas disparaître

Les officiers de la police judiciaire de Poitiers ont manifesté lundi devant le palais de justice de Poitiers. Ils s’opposent à une réforme voulue par le ministère de l’Intérieur. Une mobilisation historique.

Arnault Varanne

Le7.info

La grogne monte au sein de la police judiciaire (PJ) depuis plusieurs semaines. En cause : la volonté du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin de placer tous les services d’un département (renseignements, sécurité publique, police aux frontières, PJ) sous l’autorité d’un seul et même directeur départemental de la police nationale, et donc in fine du préfet. Or, les officiers de la PJ rendent compte aux magistrats. « La police judiciaire a toujours bénéficié d’une indépendance. Rendre compte au préfet dans le cadre de dossiers sensibles peut être embêtant », explique Eric(*), le représentant local de l’Association nationale de la police judiciaire. Deux mois après sa création, la structure -qui n’est pas un syndicat- compte déjà plus 2 000 membres. 


Les policiers pointent un autre risque à cette dilution qui ne dit pas son nom. « A l’heure où la criminalité et la délinquance ont tendance à devenir très largement itinérantes, on veut nous cantonner à un seul département. Ça n’a jamais été dans notre culture. » Depuis Poitiers, une quinzaine d’officiers rayonnent sur la Vienne et les Deux-Sèvres. Pour la première fois, ils ont manifesté lundi leur mécontentement devant le palais de justice, aux côtés de magistrats et d’avocats solidaires. Eux qui cultivent une discrétion bien compréhensible montent au front pour tenter d’infléchir cette réforme attendue pour le second semestre 2023. 


« Comme si on fusionnait médecins généralistes et spécialistes »

« A terme, le troisième risque, c’est que nous soyons détournés de notre mission première, des enquêtes longues, parfois plusieurs mois voire plusieurs années, qui réclament de la technicité », abonde Eric. 
« C’est comme si on fusionnait des médecins généralistes et des spécialistes du cœur, on n’en fait pas tous des spécialistes du cœur », ajoute l’un de ses collègues. La PJ compte des agents « formés au fil des ans, qui ont reçu des habilitations en matière de criminalité organisée, de filature, de surveillance... Tous ces acquis, il faut les conserver au risque de les perdre ». Ils ne se placent pas en opposition avec leurs collègues de la sécurité publique 
« qui font un métier formidable ». 
« On travaille régulièrement avec eux », renchérit Eric. S’ils sont descendus dans la rue, ce n’est « pas de gaieté de cœur » 
et, surtout, « pas dans leurs habitudes ». « Mais à la fin, il ne faut pas que les grands gagnants soient les criminels et les délinquants... » 


(*)Prénom d’emprunt.

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