Les mécaniciens du corps humain

A Poitiers, médecins du CHU et biomécaniciens de l’institut Pprime ont développé une collaboration originale au service des patients.

Romain Mudrak

Le7.info

Quand un outil n’existe pas, il suffit de l’inventer. Chirurgien orthopédique au CHU de Poitiers, Tanguy Vendeuvre s’est rapproché des ingénieurs de l’institut Pprime pour fabriquer une « perceuse à colonne ». Mais pas de celles qu’on utilise pour bricoler le dimanche dans son atelier… Non plutôt un robot qui viendrait assister ses mouvements au bloc opératoire, par exemple au moment d’insérer une vis dans la colonne vertébrale d’un patient. « L’enjeu consiste à gagner en précision et à sécuriser le geste du chirurgien qui va forer entre la moelle épinière et les nerfs », 
indique Tanguy Vendeuvre. Med Amine Laribi s’est plongé dans le sujet. Maître de conférences et chef de l’équipe Cobra (Cobotique, Bio-ingénierie&Robotique pour l’assistance), il a noué une étroite collaboration avec le médecin et l’a suivi au bloc pour définir l’ensemble des besoins. « L’avantage avec Tanguy, c’est qu’il parle le même langage que nous. » Rien d’étonnant quand on sait que ce dernier a décroché une seconde thèse en biomécanique après ses études de médecine.

En octobre, Alysée Koszulinsky a démarré une thèse sur ce robot perceuse à colonne après avoir déjà travaillé dessus en master. « J’ai débuté la robotique récemment, ce sont d’abord les applications santé qui m’ont attirée vers cette équipe. » Original ailleurs, le lien entre santé et biomécanique est ici une évidence. Les premiers résultats sont prometteurs. 
« Le bras possède sept degrés de liberté, autrement dit des articulations qui permettent de travailler dans un espace restreint », reprend Med Amine Laribi. Des marqueurs passifs positionnés sur le patient et le robot permettent de définir par triangulation la position de chacun en trois dimensions. « Le robot s’adapte en temps réel aux mouvements respiratoires du patient et la mèche conserve un angle identique. » 
Les premiers tests effectués sur un « os sec » seront bientôt publiés. Ensuite, ce sera sur un cadavre donné à la science du laboratoire d’anatomie, biomécanique et simulation (ABS Lab). A terme, cet appareil aura vocation à être proposé dans tous les CHU de France.

De la Joconde 
à la scoliose

D’autres médecins du CHU collaborent avec l’Institut Pprime. Mais c’est vrai que Tanguy Vendeuvre fait partie des plus engagés. Avec une autre équipe baptisée PEM (Photomécanique&analyse Expérimentale en Mécanique des solides), il a développé une méthode de suivi des patients atteints de scoliose. PEM étudie depuis plusieurs années les risques de déformation de la Joconde, plus exactement de la planche de peuplier sur laquelle est peinte l’œuvre de Léonard de Vinci. Jean-Christophe Dupré projette des traits sur le support, prend des photos et, grâce à un logiciel perfectionné, mesure les décalages par rapport aux droites parallèles afin d’obtenir le relief. Le chirurgien orthopédique fait pareil avec la colonne vertébrale de ses patients scoliotiques avant et après les interventions. « Il n’y a aucun contact, ça ne prend que quelques minutes. J’espère un jour en faire un outil de dépistage chez les enfants »,
 conclut le médecin, qui développe désormais un autre projet incluant PEM et Cobra… Mais c’est une autre histoire.

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