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Poitiers a été le théâtre d’une série d’agressions homophobes en mai. Noël fait partie des victimes. Il a porté plainte et témoigne pour que ces actes « ne passent pas inaperçus ».
Le 19 mai, vers 1h30 du matin, Noël attend un ami aux abords du Moulin de Chasseigne, à Poitiers, lorsque la portière de sa voiture s’ouvre brusquement. Deux individus commencent à l’insulter et à lui donner des coups. Les agresseurs fouillent dans son sac, cherchent de l’argent, veulent son portable. « Plusieurs fois, ils m’ont demandé si j’étais pédé », se souvient-il. Les violences s’intensifient. Noël est sonné et de plus en plus effrayé quand il se rend compte qu’une dizaine d’individus se sont agglutinés autour de sa voiture. Certains semblent n’avoir que 12 ans. Au sol, le trentenaire est roué de coups mais parvient par miracle à rejoindre le boulevard éclairé, où ses bourreaux ne le suivent pas. Par réflexe, il a conservé dans sa poche les clés de son véhicule et son portable, ce qui lui permet d’appeler les secours.
« Il faut un procès »
La scène ne dure « qu’un quart d’heure », mais au CHU, les médecins diagnostiquent de multiples commotions au visage, aux genoux et aux bras. Trois semaines après les faits, son poignet est toujours maintenu par une attèle. Noël est en arrêt de travail jusqu’à samedi. A l’hôpital, le psychologue de l’institut médico-judiciaire l’aide à débloquer ses souvenirs. Il a besoin d’en parler. « Je ne veux pas que cet événement gâche le reste de ma vie. » Mais surtout, cette agression clairement à caractère homophobe ne doit pas passer inaperçue. « J’assume mon homosexualité, mes parents et mon employeur sont au courant. D’autres n’oseront jamais en parler. Il faut un procès pour que cet acte ne reste pas impuni. » Il a porté plainte et contacté Le Refuge 86. « Nous avons recensé six agressions depuis une quinzaine de mois. Il faut dire que l’homophobie existe aussi à Poitiers », clame Yohann Allemand, président de l’association. Les agresseurs de Noël auraient commis d’autres actes similaires selon le procureur de la République (voir encadré). En France, le nombre d’actes homophobes a grimpé de 36% (1 870) en 2019. Sans compter toutes les victimes restées dans l’ombre. Pour elles, une nouvelle application gratuite pour smartphone permet de s’identifier. Son nom ? Flag. Elle s’adresse aussi aux témoins. « Comment peut-on haïr autant un humain ? », s’interroge encore Noël, qui désire maintenant reprendre une vie normale.
A la suite des plaintes déposées par Noël et d’autres victimes, les services de police se sont mobilisés pour mettre un coup d’arrêt à la répétition de ces actes. Bilan : cinq individus mineurs ont été interpellés la semaine dernière pour une série de vols avec violence à caractère homophobe commis entre le 19 et le 29 mai, à Poitiers. « Au cours de leurs auditions, ces jeunes hommes ont admis que leurs gestes étaient liés à l’orientation sexuelle des victimes », indique le procureur de la République, Michel Garrandaux. Les auteurs se sont attaqués à leurs victimes dans des endroits connus pour être fréquentés par le milieu homosexuel de Poitiers.
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