Monshipour : « Pas de guerre avec l’Iran »

Cinq mois après « l’affaire Sadaf Khadem », Mahyar Monshipour se réjouit que sa compatriote ait trouvé un point de chute à Royan, où elle s’épanouit sur le ring et en dehors. Le sextuple champion du monde WBA espère que la tension entre le régime de Téhéran et les Etats-Unis va descendre d’un cran. « En attendant, c’est le peuple qui souffre… »

Arnault Varanne

Le7.info

Mahyar, en avril dernier, vous vous êtes attiré les foudres du régime iranien en permettant à la boxeuse Sadaf Khadem de combattre à Royan. Pour quelles raisons cette première mondiale a-t-elle été mal vécue à Téhéran ? 
« On n’a rien fait de mal ! Je lui ai permis d’assouvir sa passion en France (le combat a eu lieu le 13 avril à Royan, ndlr). Deux choses ont été mal perçues : le fait que le combat ait été diffusé via une chaîne iranienne installée en Angleterre -Iran international TV- et connaisse un très gros succès. Cela a été pris comme une propagande anti-régime, ce qui n’était pas du tout le cas. Mais parce qu’elle a combattu sans hijab, cela n’a pas été apprécié. Ce n’est pourtant que du sport ! »

Vous deviez retourner en Iran trois jours après le combat. Et puis… 
« Et puis, on m’a appelé la veille du vol en me disant de ne pas venir, que la situation était trop chaude. Il y a eu un mandat d’arrêt contre moi. J’ai appelé les parents de Sadaf qui m’ont dit de la garder auprès de moi. Ç’aurait été trop dangereux qu’elle rentre à Téhéran. »

Jusqu’à fin juin, votre protégée a vécu à Poitiers. Qu’a-t-elle fait et pourquoi s’est-elle installée aujourd’hui à Royan ? 
« Elle s’est beaucoup entraînée et a pris des cours de français avec une professeure. Depuis avril, Sadaf a boxé six fois pour cinq victoires et un nul. Cet été, elle a été hébergée chez un élu de Royan et s’entraîne avec le club local. A côté, elle bosse dans une entreprise d’insertion. Elle est heureuse, elle gagne sa vie. »

« J’espère qu’on l’accueillera en héroïne »

Vous comme elle êtes persona non grata en Iran. Cette situation va-t-elle durer ? 
«Je ne pense pas, même si beaucoup me disent que je rêve. L’Iran vient d’autoriser la boxe féminine, la Fédération devrait commencer après les JO de Tokyo à former des athlètes. D’ici là, Sadaf aura fait 20 ou 25 combats et sera number one de la discipline. Et j’espère qu’on l’accueillera là-bas en héroïne.»

Le volleyeur iranien Ali Shafiei, qui devait signer à Poitiers, est bloqué dans son pays. Le judoka Saeid Mollaei vient de se réfugier en Allemagne… Regrettez-vous que les sportifs soient pris en otage ?  
« Malheureusement, cela a toujours été le cas, dans des régimes démocratiques et moins démocratiques. » 

Au-delà, les tensions entre Téhéran et les Etats-Unis n’ont jamais été aussi fortes. Vont-elles, selon vous, déboucher sur une guerre ? 
« Avec les accords sur le nucléaire signés en 2015, je pensais que nous irions vers une normalisation, que les gens pourraient enfin respirer. Ce n’est pas le régime qui souffre, c’est le peuple ! Le régime ne tombera pas. Mais si on regarde tous les éléments, il n’y a aucune chance pour qu’il y ait la guerre. Vous savez, j’ai compris en 2010, en me rendant dans ma belle-famille au Maroc, ce que représentait l’Iran dans le monde arabe. L’Iran, c’est un milliard de musulmans derrière lui, un pays qui ne se met pas à genou comme les autres. Je trouve juste dommage que les pays occidentaux soient les toutous des Etats-Unis. Un seul exemple : faire un virement d’une banque française vers des proches en Iran est juste impossible. C’est ubuesque ! »

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