Hier
Aurore Pêcheur. 29 ans. Médecin généraliste à Adriers. Compagne d'agriculteur. Originaire de Belgique, la fille de... médecin et de vétérinaire s'épanouit dans son nouvel environnement. Signe particulier : fonceuse et cash.
A l’heure où les campagnes se meurent et où ses jeunes collègues choisissent en majorité les lumières de la ville pour exercer, elle fait figure d’exception à la règle. Non pas par esprit de contradiction, mais bien par conviction. Le 8 octobre 2018, Aurore Pêcheur a posé ses bagages à la Maison de santé d’Adriers, petite bourgade de 723 âmes à l’esprit de résistance éprouvé et à la solidarité jamais démentie. Avec son compagnon éleveur, qui vient de reprendre une ferme à Bouresse, la doctoresse d’Outre-Quiévrain s’est sentie « super bien accueillie ». « Nous sommes arrivés un soir vers 23h. Le maire et d’autres élus sont venus décharger. Ils avaient ramené du pain, du fromage, du jambon... J’en ai mangé pendant une semaine ! »
A la Fête de l’automne qui a suivi, le couple comptait « juste passer » faire connaissance. Il y est resté la journée. Un nouveau médecin dans un village, c’est toujours un événement, a fortiori lorsque les volontaires se font rares. La ruralité, Aurore Pêcheur l’a ancrée en elle. La gamine de Laforêt -ça ne s’invente pas !- a vu sa mère médecin et son père vétérinaire s’y épanouir, malgré la charge de travail. Ses grands-parents et arrière-grands-parents ont aussi prêté le serment d’Hippocrate. « Ma maman a tout fait pour nous dégoûter. A l’époque, elle exerçait seule. Résultat, sur quatre enfants, nous sommes trois généralistes ! » Les journées à rallonge, le côté couteau suisse de la « fonction », la gestion de la fin de vie... Rien ne l’effraie. Au contraire, tout la stimule. A commencer par le stress de l’urgence.
« La ferme est un échappatoire »
Les urgences, justement, auraient pu recueillir ses faveurs. Mais son rapide passage là-bas l’a laissée sur sa faim. « J’avais l’impression de ne faire que du tri de patients, sans suivi derrière... » Alors Aurore est retournée à la source, à ce milieu rural qu’elle affectionne tant. Et pas juste parce que son compagnon a « toujours rêvé de reprendre une ferme ». Les prix du foncier agricole l’ont dissuadé d’accomplir ce projet en Belgique. D’où le transfert vers le Sud-Vienne. Ç’aurait pu être la Corrèze... « Mais le jour où nous y sommes allés, il ne faisait pas beau », sourit la jeune femme. A quoi ça tient parfois ! Si « la ferme est un échappatoire », la Maison de santé constitue son essentiel. Un sacerdoce autant qu’une passion. « Têtue » et « perfectionniste » de son propre aveu, la généraliste aimerait « que les médecins reprennent leur vraie place » dans la chaîne de soins. « On n’a pas besoin d’aller aux urgences pour faire des points de suture ou soigner un petit bobo ! », plaide-t-elle, allusion à peine voilée à l’engorgement de la plupart des hôpitaux français et au « nécessaire changement des mentalités ». Un week-end sur deux, elle s’y colle.
Sauver et laisser partir
Aurore Pêcheur parle cash et ne calcule pas. « Dans la vie, on ne regrette que ce qu’on n’a pas fait. » Elle fait et dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Notre regard sur la fin de vie ? Elle « nous » trouve trop timorés. « Je viens d’un pays où l’on a organisé l’euthanasie. Ici, Il y a une psychose. On est formé à sauver des vies. Mais c’est encore être médecin que d’accompagner dignement une personne pour qu’elle puisse partir. »
Elle ne souffre pas du syndrome du médecin tout-puissant. D’autant qu’elle a éprouvé sur le terrain les limites de ses propres pouvoirs. C’était en Belgique, un homme de 35 ans a fait une embolie massive. Elle n’a « pas pu le récupérer ». Fort heureusement, son quotidien de médecin lui offre des moments plus savoureux. A commencer par les subtilités de langage de certains de ses patients. « La première fois qu’on a parlé d’« hier tantôt », j’ai tiqué. Pour moi, hier, c’est du passé et tantôt du futur ! » Le match des expressions franco-belges se prolonge ! Dans un autre registre, Aurore Pêcheur aimerait volontiers que l’avenir de la Maison de santé d’Adriers soit assuré par l’arrivée d’un(e) nouveau(elle) confrère(sœur). Sa collègue doit partir d’ici un an et demi. « Venez essayer, vous ne pourrez plus repartir ! », assure-t-elle.
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