Faut-il avoir peur de Civaux ?

Arrêt soudain d’un réacteur, rejet de tritium dans la Vienne asséchée… Les motifs d’inquiétude au sujet de la sécurité de la centrale de Civaux et de sa maintenance ne manquent pas. Tout est sous contrôle, assure pourtant la direction.

Steve Henot

Le7.info

La semaine dernière, une nouvelle phase de sensibilisation a démarré auprès des populations proches de Civaux. Les personnes et établissements recevant du public, situés dans un rayon de 20km autour de la centrale nucléaire -et non plus 10 km- ont été invités à retirer leurs boîtes de comprimés d’iode, dans le cadre du nouveau Plan particulier d’intervention (PPI). « Il s’agit de toujours être en éveil, rappelle François Bock, maire de Gençay et membre de la Commission locale d’information (Cli) de la centrale. La distribution a été étendue pour tenir compte de l’expérience de l’accident de Fukushima en 2011. »

Cette mesure de prévention rappelle l’existence du risque nucléaire sur le territoire. Et fait écho à de récents événements, impliquant la sécurité de Civaux. Le dernier en date ? Un arrêt soudain du réacteur n°1, le 25 août dernier, qui s’est traduit par une détonation comparable à « un avion de chasse qui aurait franchi le mur du son », selon Karine Bardy, directrice de la sûreté. Sans autre incidence que sonore. Entendu jusqu’à Valdivienne, au beau milieu de la nuit, ce bruit n’a toutefois pas manqué d’interpeller la population alentours. « EDF ne dit pas clairement ce qui a provoqué cet incident et c’est inquiétant, déplore jacques Terracher, membre de la Cli au titre de l’Association pour la cohérence environnementale en Vienne (Aceve). Un jour, nous aurons hélas un incident majeur… »

« Pas d’augmentation des rejets de tritium »

Se pose aussi la question des déchets de la centrale. Le 18 juin, l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (Acro) a publié un rapport révélant des concentrations d’hydrogène radioactif (tritium) en hausse dans la Vienne, « jusqu’à 50 becquerels par litre (Bq/L) ». Loin toutefois du seuil d’alerte, fixé à 100 Bq/L. La crainte d’une eau de consommation contaminée se répand pourtant, « alors que pour une consommation d’eau du robinet de deux litres par jour, la concentration en tritium est 1 000 fois inférieure à la dose réglementaire autorisée », rappelle Joël Robert, responsable du pôle santé publique et environnementale à l’Agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine. Depuis, l’Agence de sûreté nucléaire (ASN) a procédé à un réexamen des registres mensuels des centrales visées par le rapport de l’Acro. Ses conclusions sont très attendues.

« Un manque de rigueur »

Les rejets posent aussi la question du débit de la Vienne, affecté par la sécheresse persistante. « Il nous faut un débit suffisant pour y diluer le tritium, indique Karine Bardy. Les barrages amènent un soutien d’étiage, mais il ne faudrait pas que cette sécheresse dure pendant trois ans sans interruption… » Hors maintenance, il n’a ainsi jamais été envisagé d’arrêter les réacteurs cet été.

Reste qu’au printemps dernier, l’ASN a pointé du doigt des « erreurs de maintenance », lors d’une simulation effectuée en 2018. Plaçant la centrale « en retrait » de la moyenne nationale en matière de sûreté. « Le nucléaire est un des secteurs les plus contrôlés. Nous avons une vingtaine d’événements déclarés par an (*), dont 95% se situent au niveau 0 de l’échelle Ines (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, ndlr). Ils correspondent à des anomalies, des signaux faibles que l’on analyse et que l’on traite. » Jacques Terracher a une autre lecture de la situation et évoque, « à Civaux comme dans d’autres centrales françaises, une augmentation des incidents due à un manque de rigueur dans l’exécution des travaux. » La prochaine réunion de la Commission locale d’information, prévue à Valdivienne, devrait être agitée.


(*) Sur 23 événements déclarés en 2018, 5 étaient de niveau 1.

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