mardi 24 décembre
Omar Benzerga. 29 ans. Ex-footballeur professionnel à la carrière sinueuse, passé notamment par Lille et le FC Nantes. Vient de s’engager avec le FC Ozon, club du quartier où il a grandi. Prépare sa reconversion dans la restauration rapide, à Châtellerault.
Un monde, une galaxie même, les sépare aujourd’hui. Footballeurs au talent précoce, Eden Hazard et Omar Benzerga ont été formés ensemble au Lille OSC, entre 2005 et 2007. Très proches à l’époque, les deux ados ont signé leur premier contrat professionnel avec leur club formateur. Douze ans plus tard, le premier a signé au Real Madrid cet été, après sept saisons pleines passées à Chelsea, en Angleterre. Omar, lui, vient de s’engager avec l’équipe première du FC Ozon, club du quartier de son enfance qui évolue en Départementale 1.
Aujourd’hui, Omar s’amuse de la comparaison. Même si sa carrière a longtemps nourri des regrets, le Franco-Algérien de 29 ans se raconte avec aisance et simplicité. « Je n’ai pas de filtre. En parler m’aide sans doute à tourner la page », reconnaît le gaillard, du haut de son mètre quatre-vingt-sept. Un long entretien accordé au magazine So Foot, à la fin de l’été, l’a subitement remis dans la lumière. « J’ai reçu beaucoup de messages de mon entourage, de joueurs que j’ai côtoyés, comme Issa Cissokho, Vincent Bessat… Ça m’a touché. »
Car l’histoire d’Omar avec le football est tout sauf banale. D’abord un accident. Petit, lui se voyait plutôt faire du karaté. A 8 ans, il atterrit finalement au SO Châtellerault, où joue Brahim, son grand frère. « A Intersport, il m’avait forcé à m’acheter des crampons ! », se rappelle le milieu de terrain, issu d’une fratrie de quatre frères et une sœur. Dès le premier entraînement, plus fort et plus vif que les autres, il impressionne. Et s’installe durablement dans les compositions d’équipe jusqu’à ses 12 ans, où il rejoint le Pôle espoirs de Châteauroux. A 14 ans, il suscite l’intérêt des plus grosses écuries françaises. Le choix de sa famille se porte sur Lille, « car à cette époque, il y avait huit joueurs formés au club qui jouaient en Ligue 1 ».
« J’ai toujours reproché aux gens de ne pas s’intéresser aux hommes derrière les joueurs. »
Peu de temps après y être passé pro, il perd son père. Premier coup dur, loin de sa famille. « J’ai mis du temps à réaliser, à faire mon deuil. Je me suis raccroché à la religion, l’islam, qui m’apaisait beaucoup. Ça m’a aidé à surmonter les épreuves, tout comme le soutien des proches. Le temps a fini par faire son œuvre. » A fleur de peau, le joueur se dispute avec un surveillant. Il l’insulte. Son club le sanctionne dans la foulée, le privant de sa prochaine sélection avec l’équipe de France Espoirs. Après y avoir évolué dans toutes les catégories jeunes, Omar ne sera plus jamais appelé en Bleu.
En 2010, Omar s’engage avec le FC Nantes, dans le but d’avoir du temps de jeu en Ligue 2. Sa première saison est marquée par des blessures à répétition. La seconde, le club ne compte plus sur lui. Incompréhension. « Je suis allé au clash avec le président Kita, je faisais partie d’une liste noire de joueurs qu’il voulait vendre. Moi, je voulais rester, j’avais signé pour quatre ans. Il m’avait alors dans son viseur et attendait la moindre erreur pour me virer. » Cette erreur, « connerie monumentale », il la commet lors d’un tournoi de sixte, où il frappe un arbitre. Omar est alors licencié et, surtout, suspendu des terrains pendant un an (plus un sursis de deux ans) par la Fédération française. L’affaire est médiatisée et le dépasse. « A la base, je suis quelqu’un de très posé, de réfléchi, se défend-t-il. C’est mon vécu qui a forgé mon caractère. Je suis gentil mais je ne me laisse pas faire. »
« Tout était contre moi »
Il revient alors chez lui, à la plaine d’Ozon. Prend du recul et… du poids. Lors d’une simple partie de foot avec des amis du quartier, son péroné cède. « Là, j’étais arrivé au point de me dire : « J’arrête le foot ». Tout était contre moi. » Omar insiste pourtant, tente de relancer sa carrière en Belgique, en Algérie puis la saison passée, dans le club de ses débuts, le SO Châtellerault. Partout, l’histoire se finit dans le conflit. Il abdique. « J’ai fait une dépression de six mois. J’étais enfermé dans ma chambre, complètement perdu. Là, mon frère Brahim m’a dit : « Il faut que tu repartes de zéro. » Ça a été très dur à entendre. »
Il découvre l’Ecole de la seconde chance, qu’il intègre avec prudence. Grâce au soutien de la structure, il s’apprête à ouvrir un concept de restauration rapide « qui n’existe pas encore à Châtellerault. Je vais mieux depuis que je suis sur mon projet. Cela m’a fait du bien de sentir la confiance. » Trop longtemps, Omar a souffert d’une certaine indifférence. « J’ai toujours reproché aux gens de ne pas s’intéresser aux hommes derrière les joueurs. » Il commence seulement à savourer « l’après », découvre l’initiative, goûte aux rencontres… « J’aime discuter avec les filles. J’ai tellement été avec des garçons dans ma vie que c’est agréable d’avoir leur point de vue. »
Le sport lui a tout de même réservé de belles joies, authentiques. Ses sélections en Bleu et avec l’Algérie -« une vraie fierté »-, ses relations avec certains coéquipiers et techniciens… « Je veux me servir de tout le bon que j’ai reçu dans le football », assure Omar. Et renouer avec le plaisir simple des terrains -il ne regarde pas ou peu les matches à la TV- sous les couleurs du FC Ozon. Il espère y partager son expérience auprès des plus jeunes, « pour ne pas qu’ils fassent les mêmes erreurs ». Comme un retour à l’essentiel, dans ce quartier qui ne l’a jamais vraiment quitté. « Ici, c’est mon sang, là où j’ai mes plus grands souvenirs. » D’autres sont encore appelés à s’écrire. Quinze ans après l’avoir quittée, la plaine d’Ozon reste son cocon.
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