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Partout dans la Vienne, des églises vidées de leurs occupants se retrouvent à la charge des communes rurales qui n’ont pas les moyens de les entretenir. La Conférence des évêques de France planche sur des solutions, dont la destruction d’édifices, qui n’est plus un tabou.
L’horloge de l’église de Saint-Sauvant n’affiche plus la bonne l’heure depuis belle lurette... « L’intervention d’un technicien coûterait bien trop cher », indique la Mairie de cette commune de 1 280 habitants située près de Lusignan et dans la communauté urbaine de Grand Poitiers. Malgré cela, le problème reste le même que dans la plupart des petits villages ruraux de la Vienne : son budget n’est pas extensible. Et au moment d’effectuer des investissements, il faut choisir. L’église Saint-Sylvain mériterait une profonde rénovation. A commencer par la toiture. La voûte centrale est fragile. Les murs gorgés d’humidité ont pris des teintes verdâtres. Même les tableaux du chemin de croix sont grignotés par la moisissure. Coût estimé de la restauration : 500 000€, soit plus d’un tiers du budget annuel de la commune (1,8M€). « Nous n’avons pas les moyens, admet Josette Corbin, 1re adjointe au maire de Saint-Sauvant. Nous avons des routes à refaire, un lotissement à viabiliser pour accueillir de nouveaux habitants, des bâtiments municipaux à entretenir... » Et la dotation générale de fonctionnement fixée par l’Etat a diminué de 80 000€ cette année.
Que faire donc de cette église qui coûte cher à entretenir et qui, faute de fidèles, est très peu utilisée ? Surtout dans ce bastion protestant. Ici, on veut encore y croire : « C’est notre patrimoine, on ne peut pas l’abandonner. » Comme à Lavoux, Payroux, Jouhet, Mouterre-Silly ou encore Celle-l’Evescault, les élus ont lancé un appel aux dons sur le site de la Fondation du patrimoine. Mais la collecte (1 600€) est décevante. Une centaine de spectateurs ont assisté au concert offert par une chorale deux-sévrienne le 19 mai dernier. De quoi rapporter 800€ à la « cause ». Malgré la bonne volonté, le défi paraît gigantesque.
La Conférence des évêques de France s’est penchée sur la question en avril dernier lors de son assemblée plénière à Lourdes. L’archevêque de Poitiers y était. Pascal Wintzer ouvre la voie à un « usage partagé des églises, à la fois cultuel et culturel, mais aussi social notamment à travers des associations caritatives ». Pour le moment, la loi de 1905 octroie « l’affectation exclusive » des églises à l’exercice du culte. « Mais cela peut évoluer en signant des conventions », poursuit le dignitaire ecclésiastique.
Démolir les églises ?
Une autre solution progresse peu à peu dans les esprits : l’exécration, autrement dit la désacralisation de l’édifice religieux. La procédure, stricte, s’accomplit en accord avec le préfet et l’évêque. Tous les objets liturgiques doivent être retirés. « Avec le regroupement des communes, le sujet peut se poser quand on a plusieurs églises », note Mgr Wintzer. Ce n’est pas arrivé depuis très longtemps pour les églises paroissiales. En revanche, l’abbaye de La Réau, la chapelle Saint-Laurent à Montmorillon ou, à une autre époque, la collégiale Sainte-Croix à Loudun ont radicalement changé de vocation. Sur les 42 258 églises, abbayes et autres basiliques de France, 255 sont sorties du giron catholique depuis 1905. Certaines ont été vendues. D’autres... détruites. Cinq en 2018 et déjà une cette année. Car c’est aussi une option que certaines communes exsangues mettent à exécution. L’archevêque de Poitiers n’est d’ailleurs pas hostile à l’idée : « Les églises peuvent être démolies, il n’y a pas d’opposition de principe, mais chaque cas doit être étudié en concertation avec la population locale. » Reste donc à savoir si les habitants seront prêts à se séparer de ce patrimoine à haute valeur symbolique.
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