En menant des expériences sur le cloporte, l’équipe du chercheur poitevin Richard Cordaux vient de démontrer que le transfert horizontal de gènes pouvait être à l’origine du déterminisme sexuel chez certaines espèces. Une première mondiale que le scientifique a expliqué à la rédaction du « 7 ».
Richard Cordaux, vous et votre équipe du Laboratoire Ecologie et Biologie des interactions de l’université de Poitiers venez de démontrer qu’une bactérie pouvait déterminer le sexe chez le cloporte. Comment êtes-vous arrivés à cette conclusion ?
« Depuis plusieurs années, nous cherchons à comprendre comment le sexe est déterminé chez les espèces. Il y a des gènes qui, s’ils sont présents dans le génome, induisent le développement en mâle ou en femelle. Chez l’homme, par exemple, il y a un gène sur le chromosome Y qui déclenche le développement en mâle. Dans ce contexte général, nous nous sommes intéressés aux cloportes, qui ont la particularité d’héberger des bactéries « Wolbachia ». Celles-ci ont la capacité de convertir les mâles en femelles. Nous avons donc étudié le génome des cloportes et nous sommes aperçus qu’il y avait un bout de l’ADN de la bactérie dans un chromosome du cloporte. Or, c’est précisément cette partie du génome du cloporte qui est responsable du développement en femelle. C’est bien la présence ou l’absence de cette séquence-là qui détermine le développement en mâle ou en femelle. »
À quoi cette découverte va-t-elle servir ?
« Ces bactéries « Wolbachia » sont connues pour être présentes chez divers insectes, en particulier chez certains arthropodes vecteurs de maladies pour l’homme ou ravageurs de cultures. Certains collègues essaient de voir comment on pourrait utiliser ces bactéries pour combattre ces arthropodes. Dans ce contexte, notre travail va leur permettre d’affiner leurs recherches. Mais pas seulement. Cette découverte confirme que le transfert horizontal de gènes (processus dans lequel un organisme intègre du matériel génétique provenant d’un autre organisme, sans en être le descendant, ndlr) constitue un mécanisme évolutif en mesure d’expliquer l’origine de nouveaux chromosomes sexuels. Nos résultats révèlent également que des micro-organismes bactériens peuvent avoir un impact extrêmement important sur l’évolution et la biologie. En élargissant nos investigations, nous allons désormais chercher à savoir si ce mécanisme a une portée bien plus large à l’échelle du règne animal. »
Comment procédez-vous pour informer l’ensemble de la communauté scientifique de votre découverte ?
« Nous avons publié des articles sur nos résultats de recherche dans des revues spécialisées. C’est le vecteur principal pour communiquer. Nous participons en outre à des congrès de scientifiques où nous présentons notre travail pour disséminer la connaissance. Pour ce travail, nous avons également pris contact avec le CNRS et le service de communication de l’université parce que nous considérons qu’il peut avoir un écho auprès des citoyens. »