Y a-t-il trop de boulangeries ?

Le maire de Chasseneuil a écrit au greffe du Tribunal de commerce de Poitiers et à la Chambre de métiers et de l’artisanat pour s’alarmer du nombre important de boulangeries et dépôts de pain sur sa commune. Une treizième enseigne a ouvert ses portes en avril.

Ah, Chasseneuil-du-Poitou, ses 3841 âmes et… treize boulangeries, terminaux de cuisson ou dépôts de pain. Claude Eidelstein a fait ses comptes, sa commune compte désormais un établissement pour 360 habitants (1800 à l’échelle nationale).

L’ouverture de « L’Artisan », en lieu et place de Culture Vélo, a fait réagir le vice-président de la communauté d’agglo de Poitiers. « J’ai effectivement écrit à la Chambre de métiers et au président du Tribunal de commerce pour les alerter sur la pérennité de l’activité de toutes ces entreprises. A une époque, il n’y avait que deux boulangeries à Chasseneuil, plus quelques rayons dédiés dans les supermarchés. Je veux juste éviter une catastrophe aux uns et aux autres ! », assume l’élu.

A dire vrai, Claude Eidelstein prêche dans le désert ou presque, car aucune autorité n’a le pouvoir d’interdire à un boulanger de s’implanter sur un territoire, sous réserve que lui-même ou l’un de ses salariés soit titulaire au minimum d’un CAP. « La concurrence est libre dès lors qu’on n’entrave pas la liberté d’entreprendre des autres», appuie Ghislain Kleijwegt, secrétaire général de la Chambre de métiers et de l’artisanat. Hormis le cas de Chasseneuil, la Vienne est un territoire bien maillé, avec une répartition équitable des boulangeries et boulangeries-pâtisseries. L’année dernière, le département abritait 251 établissements, soit le même nombre qu’un an auparavant. Autrement dit, la multiplication d’enseignes nationales à Poitiers et dans l’agglo ne nuirait pas aux artisans traditionnels.

Qualité contre savoir-faire

Pour revenir à Chasseneuil, l’accueil plutôt frais du maire est resté en travers de la gorge des propriétaires de « L’Artisan » (cinq salariés), ouverte le 8 avril. « Ici, l’emplacement nous a paru idéal, avec la RD910 à côté et beaucoup de salariés sur la Technopole. Nous avons énormément investi pour proposer des produits artisanaux à nos clients… Mon mari revendique son statut d’artisan », se défend Karine Cessac.

Au-delà du nombre de boulangeries, le débat du moment porte davantage sur les méthodes. A mots couverts, les plus « grosses » enseignes (Banette, Gambadou, Dorée Mie…) sont perçues par certains comme très (trop ?) agressives sur les plans marketing et commercial. En même temps, une boulangerie du XXIe siècle, a fortiori au pied du Futuroscope, peut-elle échapper aux nouveaux modes de consommation ? Où l’on (re) parle de snacking, de double cuisson, d’horaires XXL... Et dire qu’on annonce l’implantation de Grand Frais et de l’enseigne Marie Blachère sur la commune d’accueil du Futuroscope ! C’est sûr, les boulangers devront jouer des coudes pour exister.