Les restaurateurs sont désormais contraints par la loi d’afficher le contenu de leurs plats et ainsi de prévenir la présence au menu des allergènes les plus répandus.
Trois petites moules, si « inoffensives » qu’elles avaient cessé de vivre, ont bien failli lui faire passer l’arme à gauche. Elise a conservé intact ce vieux souvenir d’un gonflement subit, d’une irritation étouffante et d’un voyage express, un soir de réveillon, au CHU de Poitiers.
Depuis cette soirée de 1997, la mère de famille sait que les crustacés sont pour la plupart ses ennemis, les mollusques des compagnons indésirables. « Dès que je vais au restaurant, je m’empresse de faire confirmer au serveur si telle ou telle sauce ne contient pas, ne serait-ce qu’en dose infime, les produits qui me sont interdits. »
Ce rituel, Cédric Gaboreau y est fréquemment confronté. Le patron du Déjeuner sur l’Herbe, rue Cloche-Perse, connaît sur le bout des doigts les plats préparés par son chef en cuisine. « Et je me fais un devoir de répondre à toutes les demandes, explique-t-il. En fait, je considère que cela fait partie de ma mission. Un restaurateur doit, selon moi, savoir expliquer sa cuisine. Pas besoin de loi pour cela. »
Derrière cette phrase se cache une incompréhension : Cédric Gaboreau l’avoue, il n’a pas anticipé l’entrée en vigueur, le 13 décembre dernier, de la réglementation européenne visant à afficher la présence, dans les plats proposés par les établissements, d’allergènes références.
Un carton et des croix
« Je reconnais que c’est une démarche de santé publique, assène le restaurateur poitevin, mais, encore une fois, on n’arrête pas de légiférer. Moi, en tout cas, je ne vais pas changer tous mes menus. Ce serait trop fastidieux et onéreux. »
Heureusement, la loi ne l’y contraint pas, comme l’atteste son confrère de la rue Carnot, Manu Fernandes. Lui a effectivement devancé l’appel de la « mise en conformité » en apposant, tout simplement, sur la porte d’entrée du « Bureau », ce texte lapidaire : « La liste des allergènes présents dans nos recettes est disponible à l’intérieur du restaurant, en libre accès près du bar. » Et près du bar, attend en effet un carton en format A4, faisant figurer un tableau, dans lequel s’enchevêtrent les plats servis et les allergènes qu’ils contiennent. « II y a des cases, des croix, tout le monde comprend », sourit le gérant.
Plus difficile, en revanche, est la marche à suivre dans son autre restaurant, la Taverne de Maître Kanter. « Ici, explique Manu Fernandes, on propose des suggestions tous les jours. La difficulté est là, dans le fait de mettre à disposition des fiches explicatives qui changent à chaque fois. Je vais trouver une solution, mais c’est vraiment un casse-tête. »
A la Taverne, l’une des spécialités maison est le plateau de fruits de mer. Au moins, Elise sait où elle met les pieds.