Les personnes en situation de handicap sont des êtres sexuées. Un constat difficile à supporter pour certains parents et personnels soignants. A l’Institut Larnay de Biard, les équipes médicales ont décidé que la sexualité ne serait pas taboue.
« De manière générale, la sexualité n’est pas un sujet dont on peut parler très librement. Alors, quand il s’agit de personnes en situation de handicap, il y a bien souvent un tabou. » Denis Vaginay est docteur en psychologie clinique et auteur de « Comprendre la sexualité de la personnes handicapée mentale ».
Il dresse un constat plutôt mitigé de la prise en charge de ces questions par le personnel soignant. « C’est très hétérogène, d’un établissement à l’autre. Certaines équipes ont engagé une véritable réflexion autour de ce thème. C’est toutefois loin d’être le cas partout… » Il existe encore des pratiques « farfelues ». Distribution systématique de contraceptifs aux jeunes femmes, sans plus d’explication, voire interdiction pure et simple de la sexualité. Ce qui est tout à fait illégal. Le texte de loi du 2 janvier 2002 indique que chaque usager du secteur médico-social a le droit au « respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité ».
Bénédicte Dabrowski-Kaminski l’a parfaitement intégré. « Les personnes que nous accueillons sont des adultes qui ont des désirs, des envies et une représentation de la vie de couple, comme tout le monde », assure la directrice de l’Institut « Larnay- Sagesse », situé à Biard.
Vérifier le consentement
En théorie, il n’y a donc ni règle, ni interdit. Les soignants ont pour consigne de ne pas se mêler de la vie privée des résidants. Ils sont témoins de regards, de signes de tendresse, voire de rapprochements physiques, mais n’interviennent pas. Sauf en cas de doute sur le consentement d’une personne. « C’est notre seule réserve. Il ne faut pas oublier que nous nous occupons d’hommes et femmes vulnérables. Certains ne sont pas en capacité de dire oui ou non », explique Béatrice Ovion, chef de service des foyers de Larnay.
Le personnel a déjà dû intervenir pour protéger une femme victime d’attouchements… Bruno(*) entrait dans la chambre d’une résidante, sans lui demander son avis. « Nous avons évidemment averti les représentants légaux, détaille Bénédicte Dabrowski- Kaminski. Il n’y a pas eu de plainte, mais un policier lui a rappelé le contenu de la loi. Il ne fallait pas le déresponsabiliser. C’est un citoyen comme un autre. »
Sortie au sex-shop
Heureusement, la directrice n’a pas à gérer, tous les jours, ce genre de cas. En revanche, elle consulte régulièrement son équipe pour connaître les besoins des résidants. Récemment, elle a réfléchi à la meilleure façon de satisfaire un homme qui se masturbait avec des objets « contondants ». Cette personne, lourdement handicapée, risquait de se blesser. Résultat, les soignants ont décidé de l’emmener dans un sex-shop pour qu’il puisse choisir un godemichet adapté à ses pratiques solitaires. La sexualité, un droit pour tous ?
(*)Le prénom a été modifié.
Un mariage à Larnay
Claude et Marie Stella, deux personnes sourdes avec handicap mental, s’aimaient d’un amour tendre depuis plusieurs années, mais avaient caché cette relation par peur de représailles. Un jour, les deux sexagénaires ont révélé leur secret. Le message était clair : « Nous voulons nous marier ! » Bien que réticente, la directrice de l’époque, soeur Marie-Chantal, a fini par écrire à l’Evêque… qui lui a donné sa bénédiction. « S’ils s’aiment, il peuvent se marier. » Après une période de fiançailles, les deux amoureux ont convolé en justes noces en 2005. Ils sont depuis, hélas, décédés.