En temps de crise, 59% des Français taillent dans leur budget « beauté ». Certaines personnes, aux revenus très modestes, n’ont même jamais franchi la porte d’un salon ou d’un institut. A Poitiers, des associations et maisons de quartier ont décidé de faire bouger les lignes et proposent des ateliers spécialement dédiés à l’image de soi.
14h30, rue des Gravières, à Poitiers. Comme tous les mercredis après-midi, Sandrine prépare brosses, ciseaux et sèche-cheveux dans la salle de restaurant de l’association « Pourquoi pas La Ruche », située aux Trois-Cités. Depuis six ans, la coiffeuse propose ses services aux personnes aux revenus modestes (moins de 1200€ par mois). Le prix du forfait shampoing-coupebrushing est fixé à 7€. Sandrine ne manque pas de travail… Son planning est complet jusqu’en janvier.
Ses client(e)s n’ont guère l’habitude de jeter l’argent par les fenêtres. A l’heure actuelle, les soins esthétiques sont devenus un luxe. Près de 60% des Français se passent de rendez-vous chez le coiffeur(*). « Je n’ai tout simplement plus les moyens, explique Angèle, jeune femme de 25 ans, à la longue crinière brune. J’ai une petite fille d’1 an. Je préfère acheter du lait, plutôt que de refaire ma couleur. » C’est pour les femmes comme Angèle que Sandrine a décidé de se mobiliser. « Je reçois des personnes qui vont rarement voire jamais, dans un salon. Face au miroir, ils sont parfois craintifs, mais je sais les rassurer ».
L’empathie est une qualité très appréciée par Christiane. A 65 ans, elle vit seule et rend visite une fois par mois à Sandrine. « Ici, les gens sont gentils. Je ne retrouve cette chaleur humaine nulle part ailleurs. Vous savez, ça fait trois ans que je viens. J’ai besoin de ne pas me sentir isolée. »
RECHERCHE DE BÉNÉVOLES
La coiffeuse reconnaît qu’elle « fait beaucoup de social ». « C’est aussi pour cela que j’ai choisi de travailler avec des associations. Le public n’est pas le même que dans les salons. On ne peut pas s’imaginer sa souffrance. On me confie des choses relevant de l’intime. Certains ont fait de la prison, d’autres ont été des enfants battus. C’est fort. »
Jusqu’à l’été dernier, le centre familial des Couronneries proposait également des soins esthétiques. Mais la bénévole, Céline Uregei, est partie en formation et n’est donc plus disponible. « C’est vraiment dommage, car elle était très demandée », regrette Michèle Périllaud, administratrice de l’association. La structure recherche donc un(e) remplaçant(e) capable de « redonner confiance à une population fragile, précaire, souvent éloignée de l’emploi ».
L’envie de soigner son image pour un entretien d’embauche représente souvent un déclic. « La présentation reste très importante. Il faut se sentir bien dans sa peau pour pouvoir aller de l’avant », assure Michèle. Élodie, animatrice de yoga au centre familial, acquiesce. « J’ai traversé une période un peu compliquée, raconte-t-elle. Fin 2009, je me suis séparée de mon compagnon. J’ai emménagé aux Couronneries avec ma petite fille, sans connaître personne. J’étais fatiguée, j’avais besoin de prendre soin de moi. » Pour 4€, elle a pu bénéficier d’un modelage réalisé par Céline. Une véritable découverte. « Jamais je n’aurais eu l’idée d’aller dans un institut ! Les prix sont prohibitifs pour quelqu’un qui a peu de revenus. » Même si elles sont bien moins onéreuses (les tarifs du centre familial oscillent entre 4€ et 10€ en fonction du quotient familial), les prestations restent payantes. Une manière de ne pas « tomber dans l’assistanat » et de laisser aux gens « leur dignité ».
(*)Sondage réalisé sur Internet par Mediaprism, du 15 au 25 février 2013 auprès de 1 332 personnes, publié par le magazine 60 millions de consommateurs