Depuis deux ans, Tony Chatelier est référent régional de la Lutte contre le travail illégal à l’Urssaf. Passer une heure à ses côtés, c’est se soumettre à l’idée que patience et minutie sont des composantes essentielles des enquêtes réussies…
9h30. Pour Tony Chatelier, ce matin ne ressemble pas aux autres. Peu fréquentes sont en effet les visites du référent régional de la Lutte contre le travail illégal (LCTI) au siège poitevin de l’Urssaf. « Je travaille malgré tout en concertation permanente avec mes quatre référents départementaux », assure l’inspecteur, basé à Aytré, en Charente-Maritime. Le club des cinq, placé sous l’autorité d’une responsable régionale, constitue la seule entité de l’Urssaf chargée de combattre les déviances du travail dissimulé sur le territoire picto-charentais. Le décor est planté. Place à l’action…
10h. Un coup de fil résonne. Le tutoiement est de rigueur. Le ton, amical, laisse poindre quelques interrogations. « Tu es sûr de toi ? J’arrive ! » En deux temps trois mouvements, rendez-vous est pris à la terrasse d’un café de Saint-Eloi. Attendent là deux policiers en civil, avec lesquels Tony a déjà eu l’occasion de travailler. « Ces échanges avec la gendarmerie et la police, mais aussi les représentants des Impôts, de la Direccte ou de la Protection sociale, sont les fondements de ma mission. Sans le climat de confiance instauré entre toutes ces parties, nous aurions bien du mal à mener nos enquêtes à leur terme. Ce travail de réseau, en plus des informations extérieures qui nous parviennent, constitue le socle de toutes nos actions de terrain. » Bâtiment, hôtellerie-restauration, milieu du spectacle, gardiennage… Sous les fourches caudines de l’autorité de contrôle, les secteurs « sensibles » sont mis au pied du mur.
10h27. Tony vient d’en avoir la confirmation : un restaurant suspect, qui a fait l’objet de planques et surveillances répétées, mérite une petite « descente ». « Cela se fera sans vous », nous explique-t-il. Tout juste apprend-on que le patron de l’établissement visé emploierait, sans les payer et jusqu’à des heures indues, tout en les logeant dans des conditions déplorables, trois ressortissants étrangers en situation irrégulière sur le sol français. « Pour tout contrôle, même les inopinés, nous sommes habilités à vérifier les papiers, auditionner et dresser les procès-verbaux », explique Tony.
Il est bientôt 11h. L’inspecteur doit faire son devoir. « Coincer ce gars-là serait une grande victoire. Des dossiers de longue haleine, je peux n’en suivre que deux par an. Mon travail, c’est un jeu de patience. Je joue au chat et à la souris avec mes proies. Mais quand je pose ma griffe, c’est un vrai bonheur. » La souris a-t-elle été finalement prise dans le piège ? Cela, l’histoire ne le dit pas.
Illégal ou dissimulé ?
Le travail dit « illégal » englobe six infractions : le prêt illicite de main-d’oeuvre, le marchandage, l’emploi d’étrangers sans titre, le cumul irrégulier d’emplois, la fraude à l’assurance chômage et… le travail dissimulé. Ce délit, pour lequel les inspecteurs de l’Urssaf sont assermentés, recouvre la dissimulation totale ou partielle d’activité (défaut d’immatriculation, défaut de déclarations aux organismes de protection sociale, poursuite d’activité après radiation ou refus d’immatriculation…) et la dissimulation totale ou partielle d’emploi salarié (absence de déclaration préalable à l’embauche, non délivrance de bulletin de paie, délivrance d’un bulletin de paie non conforme aux heures travaillées, défaut de déclarations sociales ou fi scales…). Les sanctions pénales encourues sont de 45 000€ d’amende et 3 ans d’emprisonnement pour une personne physique, 250 000€ d’amende et un placement sous surveillance judiciaire pour une personne morale. Au civil, s’ajoute un rappel régulier des cotisations sur les revenus réels ou estimés, qui alourdit considérablement la « note ».