Claude Bertaud en homme libre

Après plus de trente ans de militantisme de terrain, Claude Bertaud a décidé de se retirer, en mars prochain, de la scène politique. Homme de consensus, l’actuel président du Département a appris à se faire violence pour imposer ses idées et léguer l’image d’un leader prospectif.

Nicolas Boursier

Le7.info

La mise à nu annoncée ne lui pose aucun souci. Sous le feu des questions, Claude Bertaud est aussi droit dans ses bottes que sous le joug de la contradiction partisane. Son retrait de l’échiquier politique, en mars prochain, au soir des élections départementales, n’est plus un secret pour personne. Il ne rechigne pourtant pas à rappeler les raisons qui l’ont poussé à tirer sa révérence. « Mes fonctions sont tout simplement devenues incompatibles avec le diabète de type 2, dont je souffre depuis plus de trentecinq ans. »

L’emblématique conseiller général du canton de Vouillé a beau s’avouer « physiquement usé », il n’en renie pas pour autant son engagement au service de la collectivité. « Je m’attendais à de rudes batailles, j’en ai eu. Mais au final, j’ai le sentiment d’avoir su fédérer et impulser un élan constructif à la Vienne. »

L’ombre de Raffarin

Propulsé, en 2008, sous les projecteurs de l’assemblée départementale, Bertaud s’apprête à refermer le livre d’une carrière trempée dans l’encre de la conviction et de la sincérité. « Il laissera l’image d’un homme de grand consensus, humaniste et, de fait, éminemment respectable », éclaire le socialiste Gérard Barc, ancien chef de file de l’opposition au Conseil général. Le compliment lui ira droit au coeur. Il résume à lui seul ce pour quoi le natif de Breuil- Chaussée, dans les Deux-Sèvres, a toujours milité : la relation humaine et la concertation comme ciments de la dynamique collective. Pour un peu, on ne lui prêterait que des qualités. Barc nuance : « Son action d’homme de terrain ne s’est, hélas, pas toujours transposée clairement dans la sphère départementale. Son équipe et lui-même n’ont pas été assez attentifs aux réalités et aux besoins du territoire. Et puis, son oeuvre restera, quoi qu’on en dise, longtemps associée au nom de Jean-Pierre Raffarin, l’homme qui tire les ficelles en coulisses. » La suspicion, maintes fois formulée sur la place publique, est l’un des rares sujets capables d’irriter le président du « CG ». « Ces allégations m’agacent au plus haut point, car elles me font passer pour ce que je ne suis pas. »

L’« homme de l’ombre » de l’époque Monory a su évoluer et imposer ses idées. « Sur le dossier ZTE, par exemple, j’ai été le premier à faire part de ma déception et de mon pessimisme, au risque de déplaire à Jean- Pierre Raffarin. Là-dessus et sur bien d’autres sujets, j’ai prouvé que j’avais des convictions d’homme libre. » Une fissure s’est soudain fait jour dans la carapace. Claude Bertaud l’efface d’un revers de la main. « Paul Eluard a écrit : « Il n’y a pas de hasard, il n’est que des rendez-vous. » »

Un rendez-vous par an La cession des parts du Futuroscope, Center Parcs, le datacenter indien… sont autant de rendezvous marquants d’un septennat riche d’actions. « J’ai eu la chance d’avoir à chaque fois l’adhésion des autres collectivités, qu’elles fussent de droite ou de gauche. De cela, oui, je suis fier. » Au crépuscule de sa carrière, Claude Bertaud dit ne rien regretter. Même pas la blessure de l’avortement, il y a deux ans, d’une Agence économique de la Vienne et de « la désobéissance de (mon) son propre camp » dans la gestion du projet. Même pas les critiques essuyées pour avoir maintenu au « dissident » d’Initiatives et Progrès, Denis Brunet, une vice-présidence déléguée. « Il faut savoir cautériser les blessures, assume-t-il. Je n’ai jamais aimé regarder derrière moi. Ce qui m’importe, c’est demain. » Un demain qui, il en a désormais conscience, ne lui appartient déjà plus…

À lire aussi ...