Elle crève l’écran

Leïla Kaddour-Boudadi. 34 ans. Une semaine sur deux, cette Poitevine d’adoption présente le journal du soir sur Arte. Ancienne prof de français à Lusignan, convertie au journalisme, la petite-fille de harkis grimpe les marches du « Paf » quatre à quatre. Et impose la diversité à l’écran.

Arnault Varanne

Le7.info

Depuis deux ans, Leïla partage sa vie entre Paris et Strasbourg. « Une semaine chez papa, une semaine chez maman! C’est moderne, non ? » Elle qui ne n’érige pas « la famille nucléaire » en modèle absolu s’amuse de cette « garde alternée » symbolique. Et pour cause, depuis qu’Arte lui a fait les yeux doux pour présenter son « JT » du soir, mademoiselle Kaddour-Boudadi se plie de bonne grâce au rituel.  Sept jours dans le Bas-Rhin à ouvrir son champ de vision européen, sept autres dans la capitale, entre collaborations avec le magazine féminin Causette et projets de documentaires à concrétiser. A 34 ans-elle les aura le 25 juin-, l’enfant de la Couronne (Charente) trempe sa plume dans l’encre de l’hyperactivité. Jamais rassasiée, en fait.

Qui aurait cru, un jour, que cette diplômée de la fac de lettres de l’université de Poitiers, latiniste de surcroît, envahirait les plateaux de télé à la trentaine ? Car Leïla a d’abord embrassé la carrière de professeur, avant d’intégrer la grande famille des médias. Cinq ans entre le bien nommé collège Jean-Monnet de Lusignan et la fac de lettres. « Chez moi, la seule divinité qu’on adorait, c’était l’école. Etre enseignant, c’est transmettre le savoir et donner envie. J’ai adoré jouer à guichets fermés devant trente élèves ! » Le propos est sincère et, encore aujourd’hui, l’ex-présentatrice d’i-Télé -matinales et week-end- se fait didactique à l’heure d’informer les téléspectateurs. « Je suis dans une forme de tendresse. » Ce recul sur l’info « chaude » tranche avec sa boulimie de savoirs et d’expériences. En quelques années, la diplômée de l’école de journalisme de Tours a écumé les rédactions avec un appétit féroce : France 3 Poitou-Charentes, France 3 national (Direct chez Vous), RFI, Marianne, Afrik.com, TPS, Paris Première (Ça balance à Paris), i-Télé. « Je me suis donné trois ans pour réussir, c’est le temps de la mise en disponibilité de l’Education nationale. C’est un congé renouvelable une fois. Il me reste deux ans… »

Un siège au CSA

Il faudrait un accident médiatique quasi « tchernobylien » pour l’apercevoir à nouveau arpenter les couloirs d’un collège. Les salles de rédaction étanchent largement sa soif de culture, au même titre que les théâtres parisiens. Au-delà du boulot, Leïla siège aussi désormais à la table du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), au sein du collège dédié à la diversité. « J’assume totalement qui je suis. Je suis une femme, d’origine étrangère et journaliste. En quoi cela pourrait-il poser un problème ? » A la télé, la petite-fille de harkis a l’impression de « rentrer dans la vie des gens » et, quelque part, de contribuer à l’évolution des mentalités. Son père ouvrier spécialisé chez Lafarge et sa mère (au foyer) sont fiers, forcément. Ils ne l’ont « pas jugée », au moment où elle a pris la tangente, à 28 ans.

Française jusqu’au bout des ongles, Leïla entretient un rapport distancié avec la patrie de ses ancêtres. Fonceuse et volontiers aventureuse, elle repousse l’échéance d’un séjour en Algérie. « J’ai de la famille que je ne connais pas à Mascara, dans la banlieue d’Oran. Mais ce voyage là-bas, je ne sais pas trop par quel bout le prendre… » Elle laisse donc « le temps au temps », sans tirer de plan sur la comète. Jusque-là, ses choix se sont avérés gagnants. Le fruit d’une volonté farouche ou une forme de chance répétée ? « J’ai une bonne étoile au-dessus de ma tête », sourit-elle en guise de réponse. On y verra plutôt un mélange de talent et d’obstination.

Leïla rêve, un jour, de diriger un grand magazine culturel sur une chaîne en vue.  En parlant de ciné, « sans se pincer le nez sur les films dits populaires », de théâtre, de musique… Tout ce qui contribue à rendre sa vie infiniment riche. Leïla Kaddour-Boudadi symbolise une nouvelle forme de journalisme. Distancié et réfléchi, cultivé et de proximité. L’air de la diversité n’a pas fini de souffler.

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