L'optique dans le viseur de l'Etat

Entre la mise en place de réseaux de mutuelles fermés et la libéralisation des ventes de lunettes sur Internet, le secteur de l’optique vit actuellement de grands bouleversements. Reste à savoir si le client sortira vraiment gagnant de cette guerre du pouvoir d’achat.

Romain Mudrak

Le7.info

Il sera bientôt plus facile d’acheter ses lentilles, ses verres correcteurs et sa monture sur Internet. Adoptée à la midécembre, la loi Hamon oblige désormais les ophtalmologues à indiquer l’écart pupillaire sur l’ordonnance
de leurs patients. De quoi éviter les erreurs lorsqu’on veut commander ses verres soimême, sans passer par un réseau d’opticiens traditionnels. Le ministre de la Consommation a clairement affiché son intension : diversifier l’offre, surtout sur le web pour réduire les prix. Un récent rapport de la Cour des comptes, confirmé par une étude de Que Choisir, a relevé que les Français payaient leurs lunettes 50% plus cher (le prix de vente moyen s’élève à 470j selon Que Choisir) que leurs voisins européens. Faux, rétorquent tous les syndicats.

« On ne compare jamais la même chose, rétorque Catherine De la Boulaye, présidente nationale de l’Union des opticiens (UDO), l’un des principaux syndicats de la profession. On fait une moyenne alors que la TVA et le type de produits achetés sont très différents d’un pays à l’autre. » Au-delà de ces considérations financières, l’UDO s’est dite plutôt favorable à tout nouveau mode de distribution, tant qu’un « opticien diplômé est présent pour répondre aux questions des internautes ». D’autres, Synope en tête, dénoncent les menaces de suppressions d’emploi. C’est dit.
Localement, Isabelle Giret va dans le même sens et refuse l’idée selon laquelle les opticiens réaliseraient des marges indécentes. « Je propose des montures de 48€ à 400€. C’est au client de choisir », note la gérante d’Optique Magenta. Accessoire de mode ou prothèse indispensable… Le budget de ses lunettes dépend beaucoup de ses envies.

Le conseil prime

C’est plus pour la pérennité de son activité qu’Isabelle Giret est inquiète de voir arriver de nouveaux concurrents sur le
web. La jeune femme n’a hélas ni les moyens humains, ni les ressources financières pour créer sa boutique en ligne. De son côté, elle compte davantage sur son sens du service pour fidéliser ses clients : « J’accueille les gens et les conseille dans leurs choix. Un verre épais sera plus ou moins apparent en fonction de la monture. Le centrage dépend beaucoup du port de tête. Ces choses-là, on ne le voit pas sur Internet. »

« Il faut se sentir bien avec ses lunettes et ça, il n’y a qu’en les essayant qu’on peut en être sûr », poursuit Luc Ménétrey. Lui aussi opticien indépendant, il possède trois magasins Atuvu à Rouillé, Vivonne et Usson-de- Poitou. Pour lui, aucun doute, l’écart pupillaire ne suffira pas à détourner les clients de son enseigne. En revanche, une autre loi l’énerve davantage : celle créant les réseaux de soins. « En fonction de sa mutuelle, le client ne bénéficiera pas du même remboursement chez tous les opticiens. Si je ne suis pas agréé par sa mutuelle, il ira chez un concurrent. C’est injuste », estime le chef d’entreprise, qui emploie six salariés. Isabelle Giret, justement, cherche à devenir partenaire de certaines mutuelles depuis deux ans. En vain. Un bâton de plus dans la roue de son développement professionnel.

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