Aujourd'hui
Lire, c’est prendre le pouvoir
Le Regard de la semaine est signé Jean-Luc Terradillos.
Il flotte ici comme un parfum d’antan. Le ballet des véhicules dans la cour du Domaine de Rouilly ne gâche en rien le paysage. La Maison Mitteault, c’est comme une institution. On y revient tous les ans par gourmandise. Au bout de l’imposante allée de peupliers, en revanche, interdiction de pénétrer. La demeure familiale est propriété de Jacqueline, 80 ans. La matriarche raréfie ses sorties. Mais, en novembre dernier, la fondatrice de la Maison éponyme a rendu une visite surprise à ses anciens clients. « Elle était contente de les revoir, sincèrement… », témoigne Hubert Mitteault, l’un des trois associés du producteur régional de foie gras à succès. Avant chaque événement important de la Maison qu’elle a co-fondée en 1988, cette cuisinière hors pair est d’ailleurs consultée ou associée.
« Lorsque j’ai reçu ici des chefs étoilés comme Michel Bras ou Ferran Adrià, elle était là aussi », souligne le quatrième enfant d’une fratrie de sept. Que serait-il advenu de la ferme des Mitteault, si Jacqueline et Hilaire n’avaient pas emprunté le virage de la diversification, en 1975 ? La question est pleine de malice, mais Hubert et Bernard, revenus au bercail en 1988 après de brillantes études -l’un dans l’économie, l’autre dans l’agriculture- n’y ont jamais réfléchi. Tout juste ont-ils senti que leur « place était ici ». Louis-Marie, le benjamin, les a rejoints en 2006. Comme s’ils ressentaient le besoin de transmettre le flambeau. Dans cette famille de « taiseux », les coups de gueule ne sont pas rares. Mais les liens du sang finissent toujours par l’emporter. « Ce n’est pas plus simple de travailler en famille qu’avec des gens que vous ne connaissez pas », acquiesce Louis-Marie.
Rendez-vous le 5 janvier
N’empêche, le succès croissant de cet antre du « bon goût et de la qualité » étanche la soif de reconnaissance des trois actionnaires principaux. La Maison Mitteault élève et abat 80 000 canards par an, s’exporte dans l’Europe entière (Finlande, Espagne, Italie, Angleterre, Norvège…) et emploie une trentaine de salariés. Et leurs frères et sœur, alors, comment vivent-ils cette réussite par procuration ? « Ce sont tous de bons ambassadeurs de la Maison Mitteault », sourit Hubert. Chantal est monitrice d’équitation à Compiègne, André vétérinaire. Quant à Xavier et Emmanuel, ils travaillent dans deux PME de la Vienne.
Tout ce petit monde se retrouvera le 5 janvier, dans la maison familiale qui jouxte le domaine de 40 hectares. Promis juré, on ne parlera pas boulot… ou si peu. Difficile de s’affranchir de son quotidien. Difficile aussi d’éluder la question de la pérennité de l’affaire familiale. Les petits-enfants de Jacqueline ont entre 2 ans et demi et 23 ans. Et il est encore un peu tôt pour déterminer un quelconque dauphin. « Mon fils Paul est en 1re et parle déjà de revenir à la Maison Mitteault, coupe l’ancien président du Centre des jeunes dirigeants de la Vienne. Je lui ai d’abord dit de passer son bac et de se former. » Son heure viendra (peut-être) plus tard. En attendant, il devra faire ses preuves ailleurs. Eh oui, la Maison Mitteault se mérite ! Ici, les racines sont importantes, mais la légitimité l’emporte sur tout autre considération.
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