Nous poursuivons notre voyage à travers les quartiers de Poitiers. Quatrième arrêt au Pont-Neuf. Ici, les « faubouriens » jouissent d’une agréable qualité de vie, mais s’inquiètent d’une possible « disparition » des commerces de proximité.
1800 mètres. Telle est la longueur de la rue du Faubourg du Pont-Neuf. L’une des « voies d’accès majeures vers le centre-ville, le CHU et le campus universitaire », comme le précise la Ville. Et pour cause, près de 40 000 automobilistes empruntent quotidiennement cet axe.
Yvette Mazeran, ancienne présidente du comité de quartier « Autour du Pont-Neuf », supporte difficilement le bruit
et la pollution engendrés par cette circulation. « Cela fait quatre vingts ans que j’habite ici, souffle-t-elle. Je ne veux pas pleurer sur le passé mais, à l’époque, c’était bien différent… » Yvette fouille dans ses placards pour retrouver une vieille carte postale. « Vous voyez, dans les années 30, des voitures, il n’y en avait pas et les enfants pouvaient jouer dans les rues. » Plus que tout, la retraitée regrette le « départ des petits commerces de proximité ».
Un document s’intitulant « Les faubourgs et la banlieue de Poitiers », daté de 1959, décrit avec précision ce « Pont-Neuf d’autrefois ». « La fonction commerciale y est assez bien développée. Dans la partie inférieure de la rue du Faubourg, toutes les maisons d’habitation comportent un commerce au rez-de-chaussée, un magasin d’alimentations généralement. Vers le haut de la rue, les résidences, moins tassées, laissent enfin place à deux usines de construction mécanique, à quelques petits ateliers industriels, à plusieurs dépôts de carburant et à quelques organismes publics ». Ces derniers mois, deux boucheries et une boulangerie ont fermé leurs portes…
Trêve de nostalgie ! Isabelle Soulard, actuelle présidente d’« Autour du Pont-Neuf » , se veut nettement plus optimiste. « C’est un quartier qui vit ! Moi, je fais toutes mes courses à pied. Je vais chez le coiffeur au coin de la rue, récupère mes médicaments chez Oliveau, achète ma viande au petit marché du lavoir, trouve mes surgelés chez Picard et prends ma baguette en bas de la rue. »
Mixité sociale et générationnelle
Les trois écoles -Pasteur, Petit Tour et Coligny-, le collège et lycée Camille-Guérin, la multitude de cafés et d’enseignes de fast-food complètent la liste dressée par la mère de famille. Sans oublier la « prison » de la Pierre-Levée et l’ancien hôpital Pasteur, deux institutions emblématiques du Pont-Neuf.
D’après la paroissienne de l’église Saint-Paul, le faubourg est un « petit village ». Enfin, pas si petit que ça… Le quartier s’étend, du nord au sud, des hauts de Montbernage aux pieds du centre-ville, d’ouest en est, de la rue des Quatre-Roues jusqu’à Grand Maison. (lire-ci dessous). Isabelle Soulard loue la « mixité sociale et générationnelle » qui le singularise. Selon l’Insee, il s’agit d’un « quartier de classes moyennes, caractérisé par la présence de diverses catégories socioprofessionnelles, sans concentration réelle de hauts ou de bas revenus ». Plus de 33% de la population possèdent au moins un bac +2. Parmi les voisins d’Isabelle, on dénombre un menuisier, un chauffeur de bus, un professeur de mathématiques, un général quatre étoiles et un ouvrier du bâtiment. « L’amitié ne compte pas le nombre de diplômes. »
En un mot comme en cent, l’historienne résume le fond de sa pensée : « Ce quartier a une âme ». Son patrimoine culturel, historique et religieux lui confère effectivement un aspect unique. « Le cimetière de la Pierre Levée, la nécropole romaine, le Confort Moderne, la statue de la Vierge des Dunes sont autant d’éléments remarquables du Pont-Neuf », souligne la municipalité. Certains regrettent toutefois que cette richesse soit « trop peu mise en valeur ! » A bon entendeur…
Les chiffres qui comptent
> 314,4… en hectares, la superficie du quartier du Pont-Neuf. Une taille similaire à celle des Trois-Cités.
> 11120… le nombre d’habitants du Pont-Neuf recensés, en 2009. L’Insee a découpé le quartier en zones : La Plaine (2362 habitants), La Ganterie (2814), Les Quatre-Roues - Les Dunes (3756) et Montbernage (2188).
> 23… le nombre des commerces (hors services) du quartier. On peut citer le bar-tabac et le fleuriste du Faubourg du Pont-Neuf, les trois boulangeries situées à la Ganterie…
> 40%… de la population est âgée de moins de 25 ans, 25% ont plus de 60 ans.
Trois questions pour un quartier
« Certains automobilistes empruntent la rue de la Pierre-Levée pour échapper à la circulation de la rue du Faubourg du Pont-Neuf. Cela pose un problème de sécurité. Comment y remédier ? » Marie-Raymonde Hitier, ancienne présidente d'« Autour du Pont-Neuf », habite le quartier depuis seize ans.
Elianne Rousseau, élue en charge de la Voirie et de l'Urbanisme.
« J'ai rencontré le comité de quartier il y a quelques semaines à ce sujet. En haut de la rue de la Pierre Levée, des aménagements -trottoirs et chicanes- ont été réalisés. Les voitures roulent plus doucement et respectent les piétons. En revanche, le bas de la rue reste problématique. Il existe des solutions : créer davantage de trottoirs ou installer des ralentisseurs. Nous pouvons également changer le sens de circulation pour que les voitures montent la rue au lieu de la descendre, mais je n'ai pas l'impression que les habitants soient très enthousiastes… Quoi qu'il en soit, ce problème mérite d'être étudié et nous allons nous y atteler. »
« La ligne 1 ne passe plus par la rue du Faubourg du Pont-Neuf. C'était très pratique pour se rendre dans le centre-ville. Serait-il possible de rétablir cette ligne ? » Bénédicte Bragard, habitante du Pont-Neuf depuis onze ans et utilisatrice du réseau de bus Vitalis.
Patrick Guignard, responsable commercial de Vitalis.
« Effectivement, le réseau a été redessiné en 2010, dans l'optique de la création de la ligne de Bus à haut niveau de service. Nous avons conscience que nos usagers avaient pris des habitudes et que certains ont pu être désorientés après la suppression de cette ligne. Cependant, il existe des alternatives. La ligne 3 assure la jonction centre-ville/campus (43 allers-retours quotidiens). Les étudiants descendent avenue Jacques-Cœur et terminent le trajet à pied ou prennent une correspondance au stade, avenue du Recteur-Pineau. La ligne 13 relie le haut du Faubourg au centre (32 allers-retours). Le Pont-Neuf n'est donc pas un quartier où la question des transports en commun pose problème. »
« De nombreux artisans vous partir à la retraite prochainement et certains locaux commerciaux restent vides. Existe-t-il un moyen d'attirer de jeunes commerçants ? » Stéphanie Servo, gérante de « Stéphanie fleurs », rue du Faubourg du Pont-Neuf.
Emmanuelle Borges, présidente de l'« association économique du Pont-Neuf ».
«Tout d'abord, je tiens à dire qu'il existe encore de nombreux commerces dans le quartier. Dans le bas du Faubourg, il y a une pharmacie, deux coiffeurs, un boulanger, un tabac-presse, une auto-école, de nombreux fast-food… Qui plus est, je suis en relation avec des commerçants qui souhaitent s'installer. Il faut engager les négociations avec les propriétaires de locaux. Et ce n'est pas toujours facile. Les loyers sont très chers, les pas-de-porte également. Sans oublier les problèmes d'accessibilité et de mise aux normes. Mais je tiens à me montrer positive : le quartier reste dynamique. Preuve en est : moins de 10% des locaux commerciaux sont vides… »
> Radio Londres émet à Poitiers
Le 23 novembre, la place Radio-Londres a été inaugurée, rue du Faubourg du Pont-Neuf. Elle abrite l'œuvre monumentale nommée « Quartier Libre », de l'artiste suisse Christian Robert-Tissot. Les passants peuvent découvrir, sur les pignons des maisons, des messages codés de Radio-Londres tels que « La canapé est au milieu du salon » ou « La mélasse deviendra du Cognac ». Il est prévu d'aménager cette place pour la rendre conviviale. Un véritable défi au vu de la configuration de l'espace et la circulation…
> Le Stade des Dunes ouvert aux habitants
En 2010, la Région a acheté au ministère de la Défense le stade des Dunes. Le comité de quartier souhaiterait qu'il soit ouvert au grand public et que des jeux pour enfants y soit installés. Ce souhait pourrait être exaucé d'ici janvier.