En théorie, la réforme des rythmes scolaires rallie tous les suffrages. En pratique, c’est plus compliqué. Dans la Vienne, 22% des communes ont franchi le pas dès la dernière rentrée. D’autres redoutent ses effets. Illustration sur le terrain.
La belle unanimité de l’été 2012 a depuis longtemps volé en éclats. Des syndicats enseignants aux parents, de la classe politique aux chronobiologistes, le passage de quatre jours à quatre jours et demi a fait consensus. Ce temps-là est révolu, y compris dans la Vienne, où la réforme des rythmes scolaires ne constitue pourtant pas un obstacle majeur, dans la mesure où 44% des établissements du département -notamment à Poitiers- fonctionnaient déjà sur ce tempo. La Fédération des conseils de parents d’élèves déplore la situation, « réaffirme son soutien à la réforme » et appelle « au dialogue sans position dogmatique ».
Ils étaient encore cent cinquante enseignants à battre le pavé de la contestation, jeudi dernier à Poitiers, pour dénoncer « la précipitation » de la mesure Peillon et « le bricolage de sa mise en oeuvre » (Snuipp). Comme 22% des communes du département,Buxerolles s’est conformée aux 4,5 jours dès la rentrée dernière. La pause méridienne a été allongée et des animations périscolaires ont vu le jour, les mardi et jeudi, de 15h30 à 16h30. « On a augmenté le temps de travail global payé par la collectivité et on a accru le stress et les déplacements des agents. Pour quel bénéfice ? », s’interroge Pascale Cornitte, déléguée FO territoriale à la Ville.
« Dans l’intérêt des enfants »
L’argument de la précipitation, Gérard Barc le partage. « C’était presque scandaleux de vouloir la mettre en place dès 2013 », assure le maire… socialiste de Vouneuil-sur-Vienne. Qui a décidé de reporter son application à 2014 dans sa propre commune. Au-delà, le conseiller général du canton estime que la réforme des rythmes scolaires met en évidence les disparités entre les villes et le milieu rural. « Et pas que sur le plan financier, mais aussi sur la question des locaux, du personnel communal et de l’encadrement. C’est hyper compliqué d’avoir des gens formés et disponibles, une heure par semaine, en milieu d’après-midi… » Comme les autres, Gérard Barc fera « au mieux dans l’intérêt des enfants ». Même son de cloche chez Annette Savin, à Cissé. « Nous étions déjà à 4,5 jours, c’était plus facile », reconnaît Madame le maire. Elle convient qu’elle a « un peu râlé au début à cause du surcoût », sans toutefois rencontrer de « difficultés organisationnelles ».
Dans le viseur des « opposants », l’incidence financière pour les communes n’est pas loin d’égaler le scepticisme sur l’intérêt des activités sportives et culturelles complémentaires. Là-dessus, Yves Bouloux parle d’expérience. Car depuis 1996, à Montmorillon, les élèves de primaire bénéficient d’initiations à une vingtaine de disciplines physiques et artistiques. « À raison d’une heure et demie par semaine », précise le maire de la commune. « Le dispositif coûte à la collectivité (Ndlr : plus de 60 000€ par an), mais c’est un choix qui satisfait tout le monde. D’autant que ces activités rejaillissent directement sur la vie associative locale. » Pour l’anecdote, Montmorillon s’était battue en 2008 pour rester à… quatre jours et demi. En vain.
Martine Daoust évoque « un désengagement de l’Etat »
De passage à Poitiers la semaine dernière, à l’invitation de l’UMP, l’ancienne rectrice de Poitiers a évidemment commenté la mise en place de la réforme des rythmes scolaires. Martine Daoust a notamment mis le doigt sur les difficultés des petites communes à « assumer » le passage à 4,5 jours. « Faute de moyens pour employer de véritables animateurs (Ndlr : l’Etat a mis en place un fonds d’amorçage de 250M€), elles ne proposent qu’une garderie améliorée. C’est la campagne contre le reste du monde. On accroît les inégalités territoriales. »