Seule une poignée de malades atteints d’un cancer parvient à travailler pendant sontraitement. Le mi-temps thérapeutique constitue parfois une solution. Mais quand l’absence devient inéluctable, les salariés angoissent.
Le 22 novembre, Dominique Bertinotti, ministre de la Famille, a révélé publiquement son cancer du sein. Durant dix mois, elle a subi des soins pesants, sans que personne ne le remarque. L’élue de 59 ans a maintenu ses activités, malgré la fatigue et la chute de ses cheveux. A la suite de ses déclarations, toute la classe politique a salué son geste. Pour une grande partie des observateurs, elle a brisé un tabou.
Corinne approuve le message diffusé par la ministre. Depuis deux mois, cette directrice adjointe d’une grande entreprise de la Vienne se bat contre un cancer. Dynamique et bien dans sa tête, elle a opté pour le mi-temps thérapeutique, afin de pouvoir conserver ses responsabilités et se soigner. « Il était compliqué de me remplacer au pied levé sans déstabiliser l’activité. Plus encore, mon métier me passionne. Je considère qu’il fait partie de ma thérapie. » Cette quadra combattante a dû « convaincre » ses médecins qu’elle pouvait travailler. Preuve que les réticences ne viennent pas toujours des employeurs. Bien qu’elle n’y soit pas obligée selon le Code du Travail, Corinne a fait le choix de prévenir ses proches collaborateurs et son directeur général. Coiffée d’une perruque achetée 300€, elle assume même ses rendez-vous commerciaux.
Stop à la banalisation
Plus nuancé sur la démarche de la ministre, Stéphane Riguet a analysé les réactions sur les réseaux sociaux. Le directeur départemental de la Ligue contre le cancer(*) insiste sur la nécessité de « ne pas banaliser à l’excès la maladie ». « Certains propos que j’ai lus tendaient à traiter de fainéants les patients en arrêt de travail. Or, seuls quelques-uns conservent les moyens physiques de poursuivre une activité professionnelle. » Dans la plupart des cas, les personnes atteintes d’un cancer doivent s’arrêter de travailler. Au-delà du traitement, les salariés se posent alors la question de leur avenir professionnel. L’employeur leur tiendra-t-il rigueur de cette désorganisation soudaine ? Retrouveront-ils les mêmes fonctions et la même ambiance à leur retour ?
Ludovic a été confronté à ces idées noires. Malgré sa condition physique exceptionnelle, ce sapeur- pompier de Poitiers n’a pas pu échapper à un congé maladie d’un an, en 2006. Des semaines entières de chimiothérapie lui ont fait perdre 12kg et l’ensemble de ses cheveux. Dès les premiers jours, son supérieur a pris une décision qui a contribué à améliorer son état d’esprit : « Le Commandant Lerouge libérait un collègue, deux fois par semaine, pour déjeuner avec
moi. Je gardais ainsi un pied dans l’entreprise. » Les gestes anodins ont parfois beaucoup de valeur.
A son retour, en septembre 2007, le médecin-chef refuse, dans un premier temps, sa réintégration en service opérationnel. Il est alors affecté, à mi-temps, à l’école de formation des pompiers, à Civaux. Ludovic doit attendre le début de l’année 2009 pour retourner sur le terrain, mais il est destitué de ses « spécialités » en risques chimique et radioactif. Le coup est rude. « J’ai suivi de nombreuses formations pour en arriver là. Du jour au lendemain, je me suis retrouvé dans la peau d’un jeune sapeur-pompier de base. » Peu à peu, il tente aujourd’hui de se refaire une place dans la caserne, en repensant souvent à la douloureuse épreuve qu’il a traversée.
(*) La Ligue contre le cancer vient de sortir un guide qui répond à de nombreuses questions sur les conséquences professionnelles et financières de la maladie.
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