Prise en charge du VIH, <br>le rapport qui dit tout

Professeur en médecine interne et maladies infectieuses à Bordeaux, Philippe Morlat est le rédacteur du Rapport national 2013 sur « la prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH ». Il était, ce jeudi, l’invité du Congrès de la Société française de lutte contre le Sida, organisé au Futuroscope. Entretien.

Nicolas Boursier

Le7.info

A quelles conclusions essentielles votre rapport est-il parvenu ?
« On estime à 150 000 le nombre de personnes vivant, en France, avec le VIH, et à 40 000 celles qui ne se soignent pas ou ignorent leur séropositivité. Le dépistage systématique semble avoir atteint ses limites. Nos recommandations vont dans le sens d’un dépistage élargi mais ciblé, intégrant le développement des examens cliniques des médecins généralistes et une action encore plus soutenue au sein, mais aussi en dehors de l’hôpital. Le rôle des associations, notamment, est essentiel dans la détection des populations à risques, là où la prévalence de l’infection est la plus élevée. »
 
Quel est le nombre de nouveaux cas déclarés chaque année ?
« Entre 6 000 et 8 000. D’où l’importance que les personnes diagnostiquées et bénéficiant d’un traitement nous disent tout des relations qu’elles ont ou ont pu avoir. La famille et les proches, aussi, ont un rôle à jouer dans cette prise de conscience. Le Sida nous concerne tous, car la contamination silencieuse est le pire fléau de notre lutte.  »
 
Les malades vivent plus longtemps qu’il y a vingt ans, c’est donc que les traitements sont plus performants. Où en est-on dans ce domaine ?
«  Les traitements sont effectivement plus efficaces et le sont encore davantage lorsque la séropositivité est diagnostiquée et prise en charge précocement. L’épidémie n’en reste pas moins mal contrôlée, -les 8 000 nouvelles contaminations que j’évoquais en sont hélas la preuve-, principalement dans les milieux précarisés. Il est à noter que la prévalence est plus forte au sein de familles d’origine étrangère, qui n’ont pas les moyens ou l’envie d’accéder aux soins. »
 
Vous parliez du rôle essentiel joué par les généralistes et les associations. Sont-ils les bases du traitement universel auquel vous aspirez ?
« Oui, car ils sont les premiers au contact de la population. Si le patient ne veut pas aller à l’hôpital, on ne peut l’obliger. En amont, le généraliste a tout le pouvoir d’effectuer le premier diagnostic et l’association celui de parler, d’éduquer. Prenons l’exemple des nouveaux Tests rapides à orientation diagnostique (Trod), par voie cutanée ou par salive. Voilà un mode de démocratisation que des structures comme Aids, par exemple, se chargent merveilleusement de promouvoir. ».
 
Les recommandations de votre rapport vont-elles être automatiquement suivies ?
« Ce rapport est sorti le 26 septembre, et je ne doute pas que les cliniciens épousent à la lettre ses recommandations. Je suis beaucoup plus circonspect sur la mise en application des textes réglementaires. Notre démarche s’est voulue médico-économique, en mettant l’accent sur le coût de la prise en charge. Jusqu’où sera-t-on capable d’aller pour la financer ? Pour développer les Trod mais également les autotests ? Pour mieux dépister en milieu carcéral ? Et l’industrie pharmaceutique, jusqu’où sera-t-elle capable d’aller pour délivrer des traitements financièrement plus accessibles ? Il est clair que nous ne pouvons militer pour une augmentation du nombre de personnes traitées et faire croire que l’on va faire des économies. Il y a pourtant des solutions à trouver. Elles ne m’appartiennent, hélas, pas. »

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