Suicide des agriculteurs : <br> des mots sur les maux

Selon une étude de l’Institut national de veille sanitaire (INVS), un agriculteur se suicide tous les deux jours en France. Une étude qui fait réagir jusque dans la Vienne, où personne ne nie la réalité du problème.

Arnault Varanne

Le7.info

Son documentaire entre en résonance immédiate avec l’actualité. Depuis un an et demi, Edouard Bergeon sillonne les routes de France et d’Europe avec « Les fils de la terre », un témoignage coup de poing sur le malaise profond dans nos campagnes. Et, depuis un an et demi, le réalisateur poitevin répète à qui veut l’entendre que, chaque année, entre quatre cents et huit cents exploitants se donnent la mort. Dans un quasi-anonymat. La première étude nationale consacrée à la « surveillance de la mortalité par suicide des agriculteurs exploitants » lui donne en partie raison.

Dévoilée la semaine dernière, l’enquête recense presque un suicide tous les deux jours dans la profession. Cinq cents au total, entre 2007 et 2009. Un chiffre qui n’étonne guère le président de la Chambre d’agriculture de la Vienne. « On connaît tous un voisin ou un proche qui a été confronté à ça… », lâche Dominique Marchand. Le patron de la FNSEA Vienne ne met pas cette surmortalité -la plus élevée de toutes les catégories sociales- sur le compte exclusif de l’isolement. « La dureté du métier et, plus encore, les difficultés financières que nous rencontrons amènent certains à envisager le pire. »

La spirale infernale

Les éleveurs et producteurs de lait figurent en tête des « victimes ». Ils paient un lourd tribut à l’effondrement des cours depuis plusieurs années. « Depuis 2009 et la crise du lait, on en parle beaucoup », relève Jacques Pasquier. Mais le porte-parole de la Confédération paysanne Vienne met l’accent sur un facteur aggravant de cette spirale infernale. « Quand vous avez des difficultés financières, que vous hypothéquez vos biens, la vie personnelle en prend forcément un coup. Les répercussions sont souvent dramatiques. Car être agriculteur, c’est un projet de vie. » Certains quittent le métier « à temps », d’autres s’endettent « pour toujours ».

La réalité est aussi crue que cela. Et personne ne cherche à se voiler la face, même si le tabou reste une tendance forte dans un monde de taiseux. Depuis 2010, la Mutualité sociale agricole tente d’endiguer les phénomènes de stress et de mal-être de ses ressortissants, grâce à des réunions collectives animées par des psychologues. « Et à notre grand étonnement, les gens se déplacent, surtout les femmes d’ailleurs », remarque Grégoire Augeron, vice-président de la MSA. Des formations en sophrologie devraient voir le jour dans le Loudunais, tandis que… SOS Amitiés se tient à la disposition des agriculteurs. L’agriculteur du Nord-Vienne est persuadé que « parler de ses problèmes, c’est déjà les résoudre ». Une opportunité que Christian Bergeon n’a pas eue. Il s’est suicidé le 29 mars 1999, en ingérant des pesticides. Depuis, son fils se bat pour éveiller les consciences.

 

 

 

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