L'insécurité en trompe-l'oeil

Poitiers est-elle une ville rongée par l’insécurité ? Oui, selon certains candidats aux Municipales. Non, si l’on en croit les statistiques. Le «7» s’est procuré tous les chiffres. Analyse sans complaisance.

Romain Mudrak

Le7.info

Deux agressions dans une même journée. Il n’en fallait pas plus à Jacqueline Daigre pour dénoncer publiquement une « montée de l’insécurité à Poitiers ». Même l’ancien boxeur Mahyar Monshipour n’était plus à l’abri d’un coup bas. Ce fameux 15 septembre, il était pris à partie par un individu énervé.

La candidate UMP aux prochaines élections municipales l’assure : « De plus en plus de personnes » regrettent l’escalade de la délinquance. Selon elle, « tout le monde ne la ressent pas, mais cette insécurité est réelle ». Info ou intox ? Le procureur de la République, Nicolas Jacquet, et le directeur départemental de la Sécurité publique, Jean- François Papineau, sont d’accord pour dire que « la délinquance apparaît contenue, par rapport à des départements et des villes comparables ». Et les statistiques tendent à leur donner raison.

Sans attendre le traditionnel bilan annuel de janvier, la rédaction de «7 à Poitiers» a demandé à la préfecture de rassembler les principaux chiffres de la délinquance pour les zones police et gendarmerie. Sur les huit premiers mois de l’année, le constat est étonnant. A première vue, les atteintes physiques aux personnes explosent. Comme l’annonçait Le Figaro début septembre, la hausse avoisine les 32%. Et l’alcool est présent dans trois quarts des agressions. Mais dans le détail, cette statistique cache, en vérité, deux situations bien différentes. Sur environ mille plaintes enregistrées, les violences intra-familiales représentent 889 cas. Seul un dossier sur dix concerne les violences crapuleuses, dont peut être témoin le grand public. « Depuis l’automne dernier, on recueille systématiquement les plaintes des femmes et des enfants victimes de violences familiales. Ce phénomène est particulièrement présent en milieu rural », assure la préfète de la Vienne, Elisabeth Borne.

Travail avec les commerçants

A Poitiers et Châtellerault, le nombre de cambriolages de résidences principales se stabilise globalement sur les trois dernières années (277 faits en 2013 contre 283 en 2011). Idem pour les locaux industriels et commerciaux (136 contre 142), les caves et autres abris de jardin (112 contre 100) et les vols de voitures (120 contre 146). En revanche, le pillage d’accessoires autos (GPS...) connaît une hausse de 10% (330 contre 300). Le nombre de vols à main armée a grimpé de 150% ! Mais c’est une illusion d’optique. En réalité, on est passé de deux braquages en 2012 à cinq... A lui seul, le gérant d’un bar-tabac de Bel Air a été victime de deux agressions similaires à l’arme blanche au cours des deux derniers mois. A l’image de cette affaire, dans laquelle un homme de 23 ans a été mis en examen, tous les hold-up sont classés rapidement et la réponse judiciaire intervient dans les trois mois. Au-dessus de la moyenne nationale, le taux d’élucidation des plaintes frôle les 75%. Ce sont traditionnellement les cambriolages qui plombent les chiffres de la police.

Dans cette ville apaisée, les soirées étudiantes du jeudi sont la préoccupation récurrente de la police. Le mot d’ordre : présence renforcée et travail avec les commerçants : « Les gérants de bars, mais aussi de supermarchés, doivent être vigilants sur la vente aux mineurs à toute heure du jour et de la nuit, soutient Elisabeth Borne. Nous les sensibiliserons et, si cela ne suffit pas, les contrôlerons davantage. » Le message est passé.

Justice à pleine vitesse

Le laxisme et la lenteur de la justice sont souvent décriés dans la presse nationale. A Poitiers, 98% des plaintes reçoivent une réponse pénale dans les trois mois, sous réserve qu’un suspect soit connu, assure le parquet. La moitié des dossiers aboutit à une poursuite devant un tribunal. L’autre moitié donne lieu à des mesures alternatives (indemnisation des victimes, obligation de soins...). 80% des peines de prison inférieures à deux ans sont aménagées, comme le prévoit la loi. Cette décision intervient sous quatre mois maximum, à condition que le condamné justifie d’un projet viable.

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