L'asile poitevin des réfugiés irakien

31 octobre 2010. Le père Waseem Sabeeh Al-kas Butros est tué lors d’une prise d’otages à l’intérieur de la cathédrale de Bagdad. Menacés à leur tour, son frère et ses parents quittent l’Irak sans bagage en direction de... Poitiers. Depuis, ils vivent modestement, en tentant de surmonter leur douleur.

Romain Mudrak

Le7.info

Wam tourne frénétiquement les pages du large livre qui relate l’événement. Après la prise d’otages du 31 octobre 2010, à Badgad, un religieux a raconté en détails, dans un ouvrage, le déroulé de ce véritable massacre. Les photos des corps sans vie, perlés de rouge, comme transpercés, sont insoutenables. Ce jour-là, cinq hommes armés pénètrent dans la cathédrale de la ville, où deux cents fidèles célèbrent la messe. Le père Waseem Sabeeh Al-kas Butros, l’un des trois prêtres officiants, s’avance vers le groupe pour connaître ses motivations. Contraint de se mettre à genoux, il est exécuté sans sommation d’une balle dans la tête. Le carnage peut débuter. Il fera quarante-sept victimes.

Assis dans le salon du petit appartement de ses parents aux Couronneries, Wam regarde le visage déformé de son frère et se souvient de chaque moment. Amir, un ami de la famille, traduit ses propos. « Je ne peux pas oublier, c’est moi qui ai nettoyé mon frère avant son enterrement », confie cet ancien garagiste d’une quarantaine d’années. Menacé à son tour à cause de sa religion, ce chrétien irakien choisit de quitter son pays avec sa femme, Balsam, sa fille Anne, 2 ans à l’époque, ainsi que ses parents, Sabeeh et Najat. La France leur offre un statut de réfugié politique.
Ils débarquent dans un foyer à Créteil, la veille de Noël 2010. « Nous avons fermé pour toujours la porte de notre maison, avec seulement nos vêtements et nos papiers », raconte la mère de Wam, professeur de mathématiques. Trois ans après les faits, les larmes remplissent encore ses yeux ridés.

La barrière de la langue

En 2012, la famille arrive à Poitiers par hasard. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) place ses hôtes là où un logement se libère. En Irak, leur niveau de vie était confortable, même après la chute du régime et le départ de Saddam Hussein. Ici, ils sont au RSA. Le loyer est pris en charge, les meubles sont prêtés. Ils ne font pas d’excès, mais ils sont vivants. C’est l’essentiel. Difficile de trouver du travail quand on ne parle pas la langue des employeurs. Najat et les siens sont anglophones : « J’adorais discuter avec mes voisins à Bagdad. Ici, je n’ose pas sortir, c’est dur. » Les parents des amis d’Anne, rencontrés à la sortie de l’école, sont leur contact vers l’extérieur.
La communauté chrétienne de Saint-Cyprien, aux Trois-Cités, est une bouffée d’air frais. Wam et sa famille sont fiers. Ils ne demandent pas d’aide. Seulement qu’on les comprenne.

Dans l’appartement des Couronneries, les photos du père Waseem trônent sur l’étagère. L’une d’elle montre le défunt serrant la main du Pape Benoît XVI en 2009. Dans l’entrée, un immense portrait est conservé comme une relique. Najat incline la tête respectueusement. « Si j’avais les moyens, je rapporterais le tombeau de mon frère auprès de nous », confie Wam. Son voeu le plus cher.
 

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