En attendant la guerre

Amir Mistrih est inquiet. Arrivé à Poitiers en 2003, ce Syrien tente de garder le contact avec son frère à Homs et sa soeur, installée dans la ville d’Alep soumise à de fortes restrictions. Contre les frappes occidentales, il craint l’invasion de milices armées.

Romain Mudrak

Le7.info

Il ne se passe pas une journée sans qu’Amir Mistrih n’envoie un petit message de soutien à sa famille et ses amis en Syrie. « Les réseaux sociaux permettent de s’échanger des photos. Je n’ai pas vu mes neveux et nièces depuis plus de trois ans », raconte ce commerçant de 36 ans, arrivé à Poitiers en 2003 pour ses études.

La tension est montée d’un cran lorsque le régime en place a été accusé d’usage d’armes chimiques sur des civils. C’était le 21 août, dans la banlieue de Damas. Les occidentaux, Etats-Unis et France en tête, ont positionné leurs flottes en Méditerranée pour préparer la frappe. Depuis ce jour, Amir appelle tous les jours son frère à Homs. Mais la situation de sa soeur, installée à Alep, le préoccupe davantage encore. « L’embargo pèse sur les habitants. Ils manquent de tout, nourriture, carburant... De plus, la ville est encerclée par l’opposition, éclaire-t-il. Une seule voie d’accès n’a pas été neutralisée, on l’appelle la route de la mort, poursuit ce témoin privilégié de la situation syrienne. Ceux qui l’empruntent risquent de tomber sur une milice étrangère. Le médecin qui m’a mis au monde et qui m’a donné mon prénom a été tué il y a deux semaines. »

Il redoute les frappes

Dans ce chaos, l’armée loyaliste assure une relative sécurité dans les quartiers où vit sa famille. C’est pourquoi Amir ne cache pas son soutien. Les grands principes sont l’apanage des occidentaux bien à l’abri des bombes. Plus pragmatique, lui redoute les frappes prévues dans quelques jours : « En déstabilisant l’Etat syrien et ses institutions, on ouvrirait la porte à tous les groupes salafistes qui affluent actuellement dans le pays. Plus de 100 000 hommes armés seraient déjà présents. Ils détruiront notre culture. » La Libye, l’Irak, l’Afghanistan, la Tunisie sont des références néfastes. « Toute la Syrie est maintenant en guerre. Ce que nous attendons, c’est une force internationale qui aide à dialoguer et non à faire la guerre », ajoute-t-il comme un appel au secours.

Amir se souvient de la « douceur de vivre » qui régnait dans son pays lorsqu’il y vivait. « La sécurité était assurée. On ne manquait de rien. Les Syriens vivaient en harmonie quelles que soient leur religion ou leurs origines », rappelle ce trentenaire issu de la minorité chrétienne. Avant d’ajouter : « Bien sûr, le combat pour plus de justice et de liberté d’expression était permanent. Mais nous aurions dû régler cela en interne. »

Dans sa boutique « Les Saveurs d’Alep », aux Couronneries, Amir replace sa marchandise sur ses étals clairsemés. Il n’a pas reçu de livraison depuis mai. Ses fournisseurs de produits cosmétiques et artisanaux, qu’il allait voir régulièrement, ne répondent plus à l’appel. Au rayon alimentaire, les marques libanaises se sont substituées aux spécialités syriennes. « Je trouve cela moins bon, mais l’important, c’est de pouvoir répondre à la demande », note Amir avec un brin d’humour. L’humour, son arme ultime contre l’insupportable attente.

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