Hier
Plus d’une soixantaine de salariés de l’ex-usine Michelin de Poitiers effectuent quotidiennement le trajet jusqu’à Joué-lès- Tours. Ils ne cachent pas leur amertume, après l’annonce d’un plan de suppression de sept cents emplois, à l’horizon 2015.
Onze heures et quart, au parcobus de la Demi- Lune. Comme tous les jours depuis sept longues années, Bernard gare sa voiture et grimpe dans la navette Véolia. Ce matin-là, quatre quinquas l’accompagnent dans ce qui ressemble de plus en plus à un chemin de croix. Le bus « ramassera » quelques Michelin à Naintré, avant de filer vers Joué-lès-Tours. Terminus. Et retour à la maison « pas avant 21h ». « L’ambiance là-bas ? Que voulez-vous que je vous dise, elle n’a jamais été bonne, ponctue l’agent de maintenance, vingt-six ans de « Bib » derrière lui. Ça ne marche pas de déplacer les gens comme ça. »
Bernard fait évidemment référence à la fermeture du site de Poitiers, en février 2006 (*). Un premier coup de canif dans le contrat (moral) qui le lie au géant mondial des pneumatiques. « Poitiers était l’une des usines les plus productives et ils l’ont fermée. C’est du n’importe quoi ! » Entre colère, amertume et démotivation, les « ex » de la zone de la République s’interrogent à peine sur leur avenir. Cette semaine, des décisions devraient pourtant émaner du siège du groupe, à Clermont. On parle de La Roche-sur-Yon comme d’une possible porte de sortie. Stéphane ne veut pas en entendre parler. « À l’époque, on m’avait proposé Montceau-les-Mines. J’avais dit non et ce sera pareil cette fois. »
« Les financiers dirigent »
Lui aussi ancien de la maison, Patrick espère fortement que son âge (57 ans) lui permettra de bénéficier du plan social. Le contrôleur qualité bosse chez Michelin depuis 74 et avoue que les trajets lui «pèsent ». « J’habite à Vouillé et je pars à 3h de chez moi pour embaucher à 5h. Heureusement qu’on a des chauffeurs… » Dans sa voix, la nostalgie des années 70-80. « Michelin, c’était le boulot parfait, la réussite. Maintenant, ce sont les financiers qui dirigent. » Même sentiment de colère froide pour Jean-Claude et ses co-voitureurs du matin. Des salariés qui ont… acheté un véhicule en commun, histoire de réaliser quelques économies. Patatras. De l’extérieur, Hervé Daumand regarde ce deuxième coup de Trafalgar du « Bib » avec le coeur lourd. L’ex-syndicaliste pense à « tous ceux qui ont vendu leur maison ici et ont galéré pour trouver du travail à leur femme en Touraine ». « Et aux autres qui font la route tous les jours. Que vont-ils faire demain ? » L’hypothèse d’une migration vers le chef-lieu vendéen le fait doucement rigoler. « Michelin a annoncé des investissements là-bas. A Poitiers aussi, il y en avait eu, on avait même fêté les trente ans du site avant de fermer. » Les allers-retours vers Joué risquent désormais de durer une éternité…
(*) Michelin a conservé, dans les locaux du géant de la logistique Pro Logis, une cinquantaine de salariés. Ils assemblent des pneus pour poids lourds qui sont acheminés vers l’Europe de l’Est. « Pour l’instant, notre activité n’est pas menacée », assure Laurent Sapin, l’un des salariés.
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