Les auto-écoles au point <br> de rupture

Depuis l’été 2012 et le non remplacement d’un inspecteur du permis de conduire, 1300 examens ont été supprimés dans la Vienne. Conséquence directe: les délais d’attente pour l’inscription ont été multipliés par deux ou trois. Bien qu’elles-mêmes victimes de cette situation, les auto-écoles sont les premières à subir les foudres des candidats. Les limites de la tolérance sont atteintes.

Nicolas Boursier

Le7.info

Leurs enseignes ont depuis longtemps pignon sur rue à Poitiers et dans son agglomération. Ils ont pourtant préféré se réfugier derrière l’étendard de leurs syndicats (Unic, CNPA, Fnec(*)…) pour expectorer leur douleur. « Il est possible que certains de nos confrères ne se plaignent pas de leurs conditions de travail, mais nous sommes une grande majorité à frôler l’asphyxie et à craindre pour la pérennité de notre activité. » A l’origine de ce cri du coeur, le non remplacement d’un inspecteur du permis de conduire, agressé par un candidat, l’été dernier, du côté de Châtellerault. «Ces inspecteurs étaient huit, ils ne sont plus que sept, éclairent les patrons d’auto-écoles. Depuis près d’un an, cette seule perte a entraîné la suppression de 1300 heures d’examen et, par ricochet, l’extension des délais d’attente pour les inscriptions. Nous sommes passés d’un ou deux mois à quatre, voire six mois. »

Derrière la brutalité des chiffres, se dessinent de funestes perspectives sociales et économiques. Pour les postulants au permis, qui trépignent de ne pouvoir donner vie à leur rêve d’autonomie de déplacement. Mais aussi pour les auto-écoles, elles-mêmes régulièrement prises à partie par leurs clients impatients. « Secrétaires et moniteurs se font agresser verbalement par les jeunes et, plus souvent encore, par leurs parents, insiste l’un de ces patrons. Nous avons beau leur expliquer que nous ne sommes pour rien dans cette situation, ils restent persuadés que le fait de payer leur donne tous les droits. Si nous pouvions resserrer les délais, nous le ferions. Mais hélas, nous sommes impuissants.

30% de clients en moins

Plusieurs courriers ont été dernièrement adressés à des élus locaux et à la préfète de région, pour qu’un huitième inspecteur soit rapidement nommé et qu’un retour à la « norme » de 8 200 examens annuels apaise l’ambiance générale. « Quelques réponses ont été formulées, mais aucune décision concrète n’a encore été prise », regrettent les professionnels. Eux en sont convaincus : si rien ne bouge, leur avenir est carrément menacé. « Nous sommes six autour de cette table et tous les six, au cours des derniers mois, avons dû nous résoudre, soit à un licenciement économique, soit au non remplacement d’un salarié démissionnaire. Nous sommes pris à la gorge, car quand les candidats doivent patienter une éternité pour passer le permis, ils perdent de l’argent et un temps précieux, notamment pour la recherche d’un emploi. Du coup, ils arrêtent. »

Cet exode humain, volontaire ou contraint, se chiffre lui aussi aisément : en moyenne, les auto-écoles ont perdu, depuis l’événement estival de 2012, 30% de leurs clients. « Au-delà des drames humains, nous craignons que cette fuite en avant encourage bon nombre de jeunes à rouler sans permis », martèlent encore les patrons. Aujourd’hui, seul l’Etat, via la Préfecture et la Direction départementale des territoires, a le pouvoir d’abréger les souffrances, voire d’éviter la mort des auto-écoles poitevines. Les entendra-t-il ? C’est là tout le sens de leur engagement.

(*) Union nationale des indépendants de la conduite, Conseil national des professions de l’automobile, Fédération nationale des enseignants de la conduite.

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