Le parlanjhe tient bon la barre

Le ministre de l’Education nationale, Vincent Peillon, vient d’annoncer qu’un amendement favorisant l’enseignement des langues régionales à l’école serait déposé au Sénat. Les défenseurs du « parlanjhe »poitevin-saintongeais se battent depuis longtemps pour faire vivre leur langue.

Florie Doublet

Le7.info

Lucie Mousset n’est pas peu fière. Cette jeune réalisatrice de 31 ans présentera, le 19 juin prochain, à l’Espace Mendès-France, son dernier film d’animation « Demi-Jhau ». Inspirée d’un conte traditionnel poitevin, cette oeuvre relate les aventures d’une moitié de poulet qui transporte ses ennemis dans son ventre. Le tout en « parlanjhe ». «J’ai appris cette langue en écoutant mes grands-parents, explique-telle. J’ai toujours été sensible à la musicalité des mots.»
Dans son film, le seul personnage s’exprimant en français est le roi. « Ce n’est pas étonnant, commente la linguiste Lilianne Jagueneau. Historiquement, seuls les gens de la Cour parlaient dans la langue de Molière, celle du pouvoir. » Peu à peu, le français s’est imposé, éclipsant du même coup le « parler du peuple ». Depuis la Renaissance, le parlanjhe et les autres « patois » sont confinés à la sphère familiale, « réduits à un usage solitaire ». Pourtant, les personnes capables de comprendre et/ou de «baragouiner» le poitevin-saintongeais sont encore nombreuses. On estime ainsi qu’un quart de la population régionale le pratique. « Des gens de la campagne, mais pas seulement », éclaire Lilianne Jagueneau. Chiffres à l’appui, cette dernière s’insurge : « J’en ai assez d’entendre dire que le « parlanjhe » renaît de ses cendres. Notre langue est bel et bien vivante ! »

La transmission en question

Vivante, certes, mais jusqu’à quand ? La question mérite d’être posée, tant le problème de la transmission se fait de plus en plus prégnant. « Autrefois, les grands-parents habitaient avec leurs petits-enfants. Ce n’est plus le cas aujourd’hui », regrette Michel Gauthier. Ce membre de l’association Arantèle oeuvre pour la promotion du « parlanjhe ». Les parents hésitent également à apprendre le « patois » à leurs chères têtes blondes. La raison ? « Ils pensent que pour réussir dans la vie, il faut parler le français », soupire la linguiste. Le 15 mai dernier, les défenseurs du poitevin-saintongeais se sont rassemblés devant le siège de l’Unesco, à Paris, pour dénoncer la « faible présence » des langues régionales dans le projet de loi sur la refondation de l’école, porté par Vincent Peillon. « On veut que le parlhanje soit proposé comme option dans les écoles, collèges et lycées, déclare Michel Gauthier. Nous demandons l’asile culturel ! »
Pour autant, les hérauts locaux refusent que leur dialecte soit relégué au rang de « vestige patrimonial ». « S’exprimer en parlanhje, c’est d’abord un acte politique, avance le conteur Yannick Jaulin. Je ne suis ni régionaliste, ni nostalgique du passé. » L’artiste refuse toutefois que sa langue soit considérée comme un « vieux truc poussiéreux » qu’il faudrait sortir, de temps à autre, du placard à balais. « Pour que les gens se réapproprient le patois, nous avons besoin d’une idole, d’une célébrité qui changerait l’image ringarde qui, hélas, colle trop souvent au parlanjhe. » Une sorte d’Alan Stivell ou d’I Muvrini made in Poitou ?

Mercredi 19 juin, à 19h, projection de « Demi-Jhau », en présence de Yannick Jaulin, à l’Espace Mendès-France.
 

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