Hier
Patrice Gourrier. 53 ans. Prêtre de Saint-Porchaire. Psychologue. Grande gueule à ses «heures perdues», le chouchou des médias ne laisse personne indifférent. Vient de réchapper de la mort une deuxième fois. Veut désormais se «recentrer sur l’essentiel».
Dans le long tunnel blanc qui mène à l’au-delà, il a opéré un demi-tour spectaculaire. En salle de déchoquage, il avait pourtant reçu l’extrême onction de l’un de ses confrères, s’était confessé en bonne et due forme. D’après les médecins, Patrice Gourrier aurait dû quitter son enveloppe corporelle pour rejoindre une autre forme d’existence, victime d’une occlusion sur bride foudroyante. A croire que le curé de Saint-Porchaire est « protégé ». Une nouvelle fois, le père Gourrier a éprouvé l’expérience de la finitude, « une souffrance extrême ». Comme en 2000, avant de se glisser dans les habits de serviteur de Dieu.
Quinze jours d’hospitalisation ont achevé de le convaincre qu’il ne devait « plus perdre son temps », mais plutôt épurer son ministère des « réunions inutiles » et autres querelles intestines. D’autant qu’il va devoir apprendre à vivre avec cette « bombe dans le ventre » dont il ne détient pas le code rouge. « Elle peut se déclencher à tout moment, m’emporter n’importe quand. Je suis en sursis depuis mon retour parmi les vivants. » Parce que « rien ne vaut la vie », la future ex-grande gueule de RMC va désormais se consacrer à 200% au service de Dieu et des hommes. Qu’importe le temps que le grand architecte lui accordera…
« S’ouvrir à la différence »
Plus que jamais, l’ancien étudiant en droit brillant de Panthéon-Assas, à Paris, abhorre l’hypocrisie, la vanité et la futilité. De « son » Eglise, d’abord, coupable à ses yeux de « ne pas assez s’ouvrir à la différence ». Lui cultive les « excentricités », quitte à déranger l’ordre établi. A l’image de cette relation épistolaire avec un jeune… salafiste, née d’une conversation au long cours sur RMC. « Au-delà de nos différences, nous sommes unis par quelque chose de plus grand, l’amour de Dieu », estime le curé de Saint-Porchaire. S’il loue les qualités du nouveau Pape François Ier, mu par « une simplicité et une authenticité remarquables », le père Gourrier n’épargne pas l’institution.
« Il faut davantage de mère Teresa, de sœur Emmanuel, de Guy Gilbert pour retrouver l’essentiel ! » Le curé des loubards et son homologue du très chic plateau de Poitiers partagent plus qu’une propension à aimanter les médias. Ces deux grandes gueules assumées remplissent les églises. Et mettent de l’humain là où d’autres érigent des barbelés théologiques. « Maladies, drames, décès… Nous sommes tous les jours confrontés au tragique. Sans avoir le syndrome du sauveur, il faut faire vivre l’espérance. Adoucir les blessures, poser des pansements. »
« Tout ce qui s’élève converge »
Dans quelques semaines, l’ex-directeur de la maison d’édition Gauthier-Villars -il a aussi travaillé dans la banque- se replongera dans l’univers radiophonique. D’aucuns vont encore lui reprocher ses extras sur RMC. Ceux-là mêmes qui ont voulu lui interdire la messe quotidienne à Saint-Porchaire. Ou ont vu d’un œil (très) noir sa conversion à la… psychologie, au début des années 2000. Il reçoit encore trois demi-journées par semaine. Peut-être le jeune bobo parisien, qu’il fut pendant longtemps, paye-t-il aujourd’hui le prix de sa propre différence. De ton. De carrière. De points de vue. Il préfère de loin « avoir tort dans l’Eglise que raison contre elle ». Nouveau pavé dans la mare : « Je n’ai rien contre les gens qui manifestent contre le mariage gay. Mais qui manifeste dans la rue contre les gens qui crèvent de faim ? Qui ? »
Le questionnement a valeur d’admonestation à l’endroit des tenants de la bien-pensance. Il assume. Tout. Y compris cette amitié iconoclaste mais sincère avec Davina, l’ancienne égérie télé des années 80, reconvertie en nonne bouddhiste dans son monastère de Saint-Savin. Le père Gourrier a suivi ses enseignements à Chökhor Ling. « Tout ce qui s’élève converge », disait Theilard de Chardin. Avec Davina Gelek Drölkar, nous avons des discussions sur l’essentiel. Cette rencontre, je la vis comme un moment étoilé. » Une façon aussi de promouvoir la méditation, seul refuge où les pensées, l’imagination et l’intelligence restent à la porte. « L’être humain en est esclave ! », constate l’ecclésiastique. Le 4 avril, à Saint-Porchaire, il poussera le vice jusqu’à convier la nonne bouddhiste et le médecin psychiatre Christophe André à disserter sur le thème de la méditation, de la science et de la spiritualité (*). Patrice Gourrier adore brouiller les pistes. « J’aime les lignes de crête. Au moins, on voit de haut ! » Parole d’Evangile ?
(*) Conférence grand public « Méditation, science et spiritualité », à partir de 20h30 en l’église Saint-Porchaire. Entrée libre.
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