Hier
La consommation et le trafic de cannabis semblent connaître une recrudescence dans les collèges et lycées de Poitiers. Entre sanction et prévention, la police et l’Education nationale se répartissent les rôles.
Une cinquantaine de consommateurs identifiés, dix revendeurs interpellés, des centaines de grammes de cannabis confisqués... C’est le bilan des trafics de stupéfiants démantelés en janvier par la police dans cinq établissements scolaires poitevins. Parmi les individus appréhendés en situation de « cession non autorisée », huit étaient mineurs.
Ce début d’année confirme une tendance lourde amorcée en 2012. Pour la première fois, on a atteint le chiffre record de dix-huit mineurs arrêtés pour des trafics de stupéfiants. 19% des consommateurs pris en flagrant délit avaient moins de 18 ans. Pour le commissaire Papineau, directeur départemental de la sécurité publique, il n’y a pas de doute : le phénomène doit être pris très au sérieux. « La quantité de produits est si grande que n’importe quel petit malfrat s’improvise dealer. La concurrence devient rude. Les revendeurs doivent conquérir un public de plus en plus jeune : les lycéens et les collégiens. » L’un des consommateurs interpellés en janvier n’avait pas plus de... 12 ans.
Discours déresponsabilisant
La situation est d’autant plus inquiétante que l’argent coule à flot. Les plus fragiles trouvent là un moyen de gagner un revenu confortable sans trop d’effort intellectuel ou physique. Du côté des consommateurs, le message est souvent inaudible. « Nous devons faire face à un discours déresponsabilisant, regrette le chef de la police. Et je vise aussi des adultes. Les jeunes, eux, pensent que tout le monde le fait et que ce n’est pas dangereux pour la santé. Certains parlent même de rites initiatiques. »
Toutes les catégories socioprofessionnelles sont concernées. Léo, élève en terminale dans un lycée de Poitiers, confirme la banalisation de ce type de drogue : « Forcément, on a tous déjà vu des gars du bahut en train de se rouler un joint. » Surtout depuis qu’on a demandé aux élèves d’aller fumer à l’extérieur de l’établissement. Bernard Soulignac, proviseur de Louis-Armand, n’a pas hésité à demander l’aide des forces de l’ordre. Une patrouille passe plusieurs fois par jour devant son lycée et le voisin Auguste-Perret : « Ils s’arrêtent pour discuter avec les jeunes et parfois pour contrôler. » Le but ? Dissuader les revendeurs et sacraliser l’établissement scolaire.
« Quand un élève est pris en possession de shit, il est exclu pendant huit jours. Ses parents sont convoqués et il a l’obligation de consulter le médecin scolaire. En cas de récidive, j’appelle la police. » Deux officiers de police, personnels formateurs anti-drogues, rencontrent les internes deux fois par an pour leur expliquer la dangerosité du produit. Tous les élèves de 2nde sont également sensibilisés aux méfaits de la drogue par le Cipat(*).
Au Dolmen, on a décidé d’agir sur les sentiments qui pourraient amener un jour l’ado à consommer. Grâce à des fonds de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), le lycée invite régulièrement un slameur. Avec lui, les élèves osent poser leurs problèmes sur le papier.
Des étudiants éducateurs spécialisés, en stage dans le lycée, identifient et discutent avec les ados les plus exposés. Une façon de désamorcer la bombe. Mais les effets restent difficiles à évaluer. « Quel est l’impact de ces actions ? On le saura dans cinq ans lorsqu’ils seront devenus adultes », conclut Martine Cothias- Freyche, conseillère principale d’éducation.
(*) Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie.
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