Hier
Pour beaucoup, le mariage homosexuel est une question abstraite. Après avoir donné la parole aux « pro » et « anti » , le « 7 » a voulu illustrer le débat avec le témoignage de deux hommes qui s’aiment. Thierry et Yannis viennent d’accueillir chez eux, à Poitiers, deux enfants. Ils réclament les mêmes droits que les autres.
Rares sont les homos qui acceptent de déclarer ouvertement leur amour dans les médias. Surtout lorsqu’ils viennent d’adopter –si ce n’est légalement, au moins d’un point de vue affectif- deux jeunes frères de 9 et 10 ans, originaires d'Amérique du sud. Yannis Delmas, enseignant- chercheur à l’université de Poitiers, et Thierry, chargé de communication dans une administration poitevine, ont attendu leur arrivée sur le sol français avant d’ouvrir leur porte à la presse. Ils ont finalement atterri le 26 janvier. « La procédure aurait pu s’arrêter. Pour les autorités locales, j’étais célibataire au moment d’accomplir les démarches », raconte Thierry, unique parent aux yeux de la loi. Ce dernier n’a pas pu expliquer la situation aux enfants, sous peine qu’ils révèlent le subterfuge par inadvertance. Il a dû se débrouiller seul sur place : « D’autres couples ont eu la possibilité de vivre ce moment à deux. Nous, non. Je trouve cela injuste. »
Ce mensonge était le seul moyen d’obtenir gain de cause. Peu de pays, ouverts à l’adoption, accèdent à la demande des couples de même sexe. « Quand c’est le cas, on leur confie souvent des enfants très difficiles à canaliser », assure le jeune père de famille de 44 ans. Les deux hommes ont patienté pendant dix ans : « Pour nous, c’était un projet de vie mûrement réfléchi. »
Un statut légal pour le conjoint
En regardant rire les deux bambins, Yannis revient sur le débat qui divise actuellement l’assemblée nationale : « L’UMP et l’église catholique instrumentalisent cette question avec des arrières pensées politiques. En faire un cheval de bataille ne vise qu’à regagner de l’influence. La société est globalement favorable au mariage pour tous et à l’adoption par des couples homosexuels. » À voir l’aîné s’amuser sur ses épaules, on les croirait unis depuis toujours. Pourtant, il n’est qu’une « pièce rapportée » pour l’administration française. Sans aucun droit. Si Thierry venait à décéder, les enfants seraient confiés à… sa mère. « Face à un médecin, je ne pourrais pas prendre la décision d’opérer mes enfants si le représentant légal n’était pas là, s’insurge le second papa. Idem pour l’inscription à l’école. » « La question n’est plus de savoir s’il faut autoriser l’adoption par des couples homos, c’est un fait de société, renchérit Thierry. L’objectif du débat actuel devrait être de donner un statut légal au conjoint, en vue de protéger les enfants. »
Les deux hommes espèrent que le texte sera voté à une large majorité. Mais ils ne peuvent s’empêcher de nuancer leurs propos. L’expérience leur a enseigné qu’en jouant la transparence, on pouvait vite se mettre hors-jeu. Avant d’entamer leur démarche, ils avaient pris soin de rompre leur Pacs. Mais une trace de leur union figurait toujours sur un document d’état civil. « Heureusement, les instances locales ont cru que Yannis était un prénom de femme », sourit Thierry. Avant d’ajouter, au risque de déplaire : « Si j’ai un conseil à donner aux couples homos, c’est : « ne vous mariez pas avant d’avoir adopté ! »
Les enfants ont intégré l’école primaire du quartier à peine une semaine après leur arrivée. Ils ne parlent qu’espagnol, mais leur apprentissage sera à coup sûr très rapide. « La directrice est au courant de notre situation. Elle nous a ouvert les bras », affirme Thierry. De son côté, Yannis avoue n’avoir pas encore de « vrai lien parental » avec ces petits bonhommes qu’il côtoie depuis quelques jours : « A l’aéroport, ils m’ont sauté au cou. Je sais qu’ils aiment quand je suis là. » Pour cette famille recomposée, l’histoire débute maintenant.
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