Vers la fin de la famille nucléaire

Alain Ducosso-Lacaze est psychanalyste et professeur de psychopathologie clinique à l’université de Poitiers. Depuis une dizaine d’années, il s’intéresse aux liens de filiation. Le 30 novembre, il décryptera, en public, l’évolution de la famille, du modèle nucléaire à une forme plus éclatée.

Romain Mudrak

Le7.info

La société évolue et, avec elle, la notion-même de famille. Comment la définir ?
« En termes anthropologiques, la famille constitue le groupe d’élevage des enfants. Sa composition n’a pas de configuration universelle. Selon les cultures, ce groupe peut être composé de manières très différentes. En Occident, la famille est très marquée par le modèle nucléaire : papa, maman et les enfants. Il s’est imposé il y a environ deux cents ans. Avant, il y en a eu d’autres et il semble qu’on soit en train d’en sortir. »

Comment interprétez-vous les changements actuels ?
« Notre modèle était inspiré par notre tradition chrétienne. La sexualité était au service de la reproduction et, pour se reproduire, il fallait être mariés. Mariage, sexualité, reproduction étaient soudés. Depuis une quarantaine d’années, ces notions se disjoignent. Avec les progrès de la médecine, on peut même se reproduire sans sexualité. Je ne dis pas qu’il faut s’affoler ou que c’est merveilleux. C’est un constat. Ensuite, chacun prend position. Du coup, on ne sait plus trop ce qu’est la famille, car on est en présence de plusieurs groupes d’élevage dans une même société. »

Quelles sont les conséquences pour les enfants ?
« Chaque cas est particulier. La question est de savoir si l’enfant parvient à se positionner dans la succession de générations. Cela lui permet de comprendre l’autorité des parents et de désirer grandir pour les quitter naturellement. L’enfant doit aussi pouvoir s’identifier comme garçon ou fille. Pour moi, l’évolution actuelle de la famille n’empêche pas la construction de ces deux éléments de base. »

On pense évidemment aux parents homosexuels…
« Comme la sexualité et la reproduction ne sont plus automatiquement liées, le concept d’homoparentalité apparaît progressivement. Reste que biologiquement, la référence à l’autre sexe est incontournable. Je me suis intéressé au sujet et j’ai rencontré beaucoup de couples homosexuels. Les femmes, par exemple, imaginent le donneur beau, intelligent… Un fantasme hétéro renaît. Cette dimension érotisée transparaît dans le discours avec l’enfant. Sans oublier que le couple a des parents, des frères, des soeurs, des amis… Finalement, que l’on parle de familles homo, hétéro, recomposées, isolées… on est obligés de penser que l’enfant ne grandit pas seulement avec un père et une mère. Le groupe d’élevage est toujours plus large. »

"C'est qui ma famille ?"
Au côté d’Alain Ducousso-Lacaze, trois autres intervenants participeront à la journée du 30 novembre, consacrée à ce vaste thème « C’est quoi ma famille ? ». Psychanalyste et professeur à l’université de Nice Sophia-Antipolis, Serge Lesourd se demandera « qui crée la famille ? », avant de passer la parole à Chantal Magnant, psychologue clinicienne, fondatrice du « Point Rencontres » de Poitiers destiné, aux parents et aux enfants séparés. Enfin, une juriste, Françoise Artur, décrira l’évolution du droit de la famille. Organisée par le Collège régional des psychologues de la fonction publique hospitalière, cette journée débutera à 9h au lycée Saint-Jacquesde- Compostelle de Saint-Eloi.

 

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