Instruction en famille : la loi a changé

La loi du 24 août 2021 a modifié les conditions d’autorisation de l’Instruction en famille (IEF). En cette rentrée 2024, cela se traduit par davantage de refus de la part du rectorat, notamment pour le motif dit de « situation propre à l’enfant ». Les familles sont inquiètes.

Claire Brugier

Le7.info

Selon les chiffres de l’Institut des hautes études de l’éducation et de la formation, entre 
50 000 et 60 000 enfants seraient aujourd’hui instruits en famille en France. Dans l’académie de Poitiers, ils étaient 1 258 l’an passé contre seulement un millier à la rentrée. Un effet de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ? Dite loi « séparatisme », 
elle a sonné le glas du régime déclaratif et des deux années dérogatoires accordées aux parents pratiquant déjà l’IEF.

Désormais, l’autorisation est octroyée selon quatre motifs : 
« l'état de santé de l'enfant ou son handicap », « la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives », « l'itinérance de la famille en France ou l'éloignement géographique de tout établissement scolaire public » et « l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif ». C’est précisément là que le bât blesse : la 
« situation propre » est sujette à interprétation.

Autorisations sur dossier

Zoé(*), 6 ans, n’a jamais fréquenté l’école de sa commune proche de Poitiers. Ses parents l’instruisent depuis trois ans, et ils ont décidé de continuer malgré un jugement du tribunal datant d’août. Dans une cinquantaine de pages, ils ont détaillé les particularités de leur fille (niveau scolaire, hypersensibilité au bruit, profil kinestésique…) mais aussi « comment est montée une séquence, son emploi du temps, le matériel pédagogique mis à sa disposition… », explique la maman. Le rectorat leur a opposé un refus. « J’étais en colère ! Je ne veux pas aller à l’école », lâche Zoé. Ses parents ont déposé un 
« recours administratif préalable obligatoire », le fameux 
« Rapo » bien connu des parents de l’IEF, puis ils ont saisi le tribunal administratif pour une requête au fond, tout en demandant en parallèle la suspension de la première décision. La justice leur a donné tort. « Dans le dossier en défense du rectorat, certains arguments ne correspondent même pas à notre cas », relève le papa. Du côté de l’institution, on confirme une hausse des refus, qui étaient de 11% l’an passé, et on se retranche derrière les textes. « On regarde le projet pédagogique et éducatif proposé à l’élève et on s’assure que toutes les conditions sont réunies pour l’acquisition des compétences nécessaires à son niveau. » 


Pour son cadet (CM2), Stéphanie(*), qui pratique l’IEF depuis quatre ans, a obtenu l’autorisation sur dossier. Mais pour l’aîné (6e), elle a dû aller au tribunal et a obtenu gain de cause. Face à un refus, certains parents choisissent l’illégalité, d’autres revendiquent la désobéissance civile, d’autres encore se résolvent à scolariser leurs enfants, la plupart déplorent un manque de transparence dans la décision. « On a le sentiment d’être délesté de notre autorité parentale, note Stéphanie. C’est important d’être entendu, d’avoir une parole devant le juge. » Constitués en collectif, IEF86, les parents ont interpellé les députés et sénateurs du territoire. 
« On a l’impression qu’une guerre est menée contre nous et qu’on rajoute des critères d’année en année… » 


(*)Les prénoms ont été changés.


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