Artisans naufragés en reconquête

Artisans et commerçants ont payé un lourd tribut aux inondations qui ont touché la Vienne en mars dernier. En pays montmorillonnais comme plus au nord, à la frontière de l’Indre-et-Loire, les sinistrés relèvent peu à peu la tête.

Le7.info

Le7.info

La Gartempe redevenue paisible, il a en partie retrouvé le sourire. Bientôt trois mois, pourtant, que l’effroyable image de son entreprise dévastée hante la mémoire de Franck Soury. Le boucher-charcutier-traiteur de Montmorillon l’avoue sans ambages : « En quelques heures, j’ai tout perdu. » Montant estimé du préjudice : 
35 000€, dont 11 à 12 000€ de marchandises. « Pâques, rappelle l’artisan, c’est mon deuxième plus gros week-end de l’année. Cinquante à soixante commandes étaient alors à honorer, aucune n’a pu l’être. » Inutile de dire que le manque à gagner n’a jamais pu être comblé. Et ce malgré une reprise d’activité rapide, quinze jours à peine après le sinistre. « Nous avons vite rouvert pour ne pas égarer trop de clients en route, mais ce qui a été perdu l’est définitivement. » 


S’il affirme avoir été « bien accompagné par les assurances » et « en capacité de racheter du matériel, neuf et d’occasion », Franck Soury regrette toujours le manque de communication des autorités en amont des intempéries. « Cela dit, ironise-t-il, si on avait été prévenu, ça n’aurait sans doute pas empêché la rivière de monter. » Ou quand l’humour devient antidote à l’apitoiement. 


Une coiffeuse en pétard

Son assurance, la coiffeuse Nadège Souchaud, voisine de Franck Soury dans la cité du Macaron, ne lui voue, elle, aucune reconnaissance. « Je suis en colère, maugrée-t-elle. J’avais entièrement refait à neuf mon salon il y a un an et demi et là, on me refuse de l’aide pour de nouveaux travaux. En l’état, je suis dans l’incapacité de payer ce qu’il y a à payer. » Déterminée à « sauver [s]on bébé » de la noyade, la patronne de « A chacun son style » 
s’est débrouillée seule -« encore une fois »-, pour racheter en quatrième vitesse l’essentiel du matériel détruit, nettoyer au maximum son local et accueillir ses premiers clients dans un cadre au minimum sécurisé. « Rien que pour cela, il a fallu gratter sur la trésorerie. Mais là, il n’y a plus grand-chose. » Préjudice cumulé ? 60 000€. Un gouffre !


« C’est pas la joie, mais y’a encore de la vie »

Plus au nord, à la frontière de l’Indre-et-Loire, la petite commune de Buxeuil a elle aussi été meurtrie dans sa chair. Trois mois ont passé depuis que la Creuse est sortie de son lit et la boulangerie de Jacques Sirot n’a toujours pas rouvert. « Si tout se passe bien, ce sera pour le 
16 juillet », annonce le maître des lieux. Le 31 mars, 1,30m d’eau et de boue a envahi le commerce et le rez-de-chaussée de l’habitation occupée par Jacques. Salon, cuisine, tout a été ravagé. 
« Et l’exploitation, je n’en parle même pas. Je n’ai pu sauver que 10% des machines. » Devant l’ampleur des travaux à consentir, l’artisan-commerçant ne s’est pas démonté. « Jamais je ne pallierai le manque dû à une inactivité forcée de trois mois et demi, ni même le préjudice personnel que cet épisode a causé. Mais moi au moins, j’ai pu compter sur l’assurance pour m’accompagner dans le chantier de rénovation. C’est pas la joie, mais y’a encore de la vie. »


Dans quatre ans, Jacques Sirot fera valoir ses droits à la retraite. Aucune contrariété ne semble devoir l’empêcher d’aller au bout de sa quête. « Malgré les pertes, je dois relever la tête. Rouvrir, je le fais pour les gens d’ici, pour la commune. Parce qu’une commune sans boulanger est une commune qui meurt. »

À lire aussi ...