L’appel de la semaine de 4 jours

Confronté à de nouvelles attentes, le monde du travail expérimente de nouvelles organisations parmi lesquelles la semaine de quatre jours. Dans la Vienne, le centre de relation client Armatis l’a mise en place depuis septembre 2023. Mais tous les secteurs d’activité ne s’y prêtent pas.

Claire Brugier

Le7.info

Face à un monde du travail en pleine mutation, nombre d’employeurs s’interrogent sur la meilleure façon d’attirer et fidéliser des salariés aux attentes nouvelles. Promu par la crise sanitaire, le télétravail a ouvert la voie à d’autres systèmes d’organisation, notamment la semaine de quatre jours. « Il faut s’adapter, dans le recrutement, la fidélisation, les process… », assène avec conviction Rodolphe Couffignal, directeur de site d’Armatis Poitiers.

Depuis septembre 2023, l’entreprise spécialisée dans la relation client -appels entrants uniquement- a mis en place la semaine de quatre jours à temps partiel (28, 30 ou 32 heures). Ses quelque 1 200 salariés ont donc désormais le choix, les candidats au recrutement aussi. Le volume de ces derniers oscille entre 
20 et 60 par mois, « surtout pour répondre à de la croissance d’activité ». L’offre est donc là et, de son côté, la semaine de quatre jours semble dynamiser la demande en offrant la perspective de plus de confort, d’économies de transport... « On a observé un boom du nombre de CV début octobre », constate le directeur d‘Armatis. Néanmoins, au terme de la formation sur site de trois semaines, peu de salariés -« un ou deux par promotion de quinze »- 
optent finalement pour la semaine de quatre jours. Quant à la proposer à temps plein, 
« quelques freins subsistent : sur les sites où elle a été testée, elle fait apparaître quatre jours très denses en charge ».

« Un maximum de souplesse »

Grâce à des outils de planification très performants 
-« le nerf de la guerre », selon Rodolphe Couffignal-, Armatis est susceptible de proposer à ses collaborateurs du télétravail (deux jours maximum) et/ou des contrats sur quatre jours à temps partiel ou cinq jours à temps partiel ou plein (jusqu’à 37,5h). Objectif : 
« avoir un maximum de souplesse » pour répondre aux besoins des salariés tout en satisfaisant ses dix-neuf clients dont les besoins s’étalent 
« du lundi au dimanche de 7h à 22h ». Toutefois, selon le secteur d’activité et la taille de l’entreprise, la semaine de quatre jours peut rester un vœu pieux. « Toutes les entreprises ne peuvent pas se le permettre », 
remarque Isabelle Guillerm-Lassale, vice-présidente du Centre des jeunes dirigeants (CJD) Poitiers-Châtellerault. A l’échelle nationale, le Centre des jeunes dirigeants a engagé une réflexion sur le sujet. Il a notamment mené plusieurs expérimentations dans la région Occitanie. 
« Dans une ère post-Covid et face aux difficultés de recrutement, la semaine de quatre jours est l’un des leviers permettant de travailler l’attractivité de nos entreprises, convient Isabelle Guillerm-Lassale. Des JD ont fait des tests dans la restauration, l’informatique aussi, mais dans d’autres métiers cela se révèle plus compliqué, notamment en contact clientèle et dans les commerces. » Cela devient source de stress et, sans embauche possible, pénalise l’activité. « C’est pourquoi le CJD demande une exonération de certaines charges pour pouvoir maintenir la compétitivité des entreprises et des salaires, ainsi qu’une optimisation du temps. »

LE CHIFFRE
78

Selon une enquête réalisée par la Confédération des PME (CPME) auprès de 1 528 dirigeants de TPE-PME, la semaine de quatre jours ne séduit pas les chefs d’entreprise. Ils sont 78% à ne pas être prêts à l’instaurer dans leur propre structure. De même, seuls 34% des dirigeants sont favorables à la mise en place d’un compte épargne-temps universel dans leur entreprise.
ANALYSE
Au stade des expérimentations Au sein de l’Agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail (Aract), on constate que « la semaine de quatre jours est un sujet émergent mais pas vraiment saisi à bras le corps ». Autrement dit, le nom du dispositif circule mais sa mise en œuvre est rare, en partie en raison d’une méconnaissance. « Il n’existe pas qu’une seule semaine de quatre jours : il y a la semaine de quatre jours avec télétravail, en  28 heures payées 35, une semaine libre sur cinq, l’alternance semaine courtes et semaines longues…, détaille-t-on à l’Aract. Et puis la question de la semaine de quatre jours soulève tous les questionnements liés au travail :  la santé, la pénibilité, la réduction des inégalités sociales, la performance, la relation au travail, le collectif, l’articulation vie professionnelle-vie privée… » Le dispositif est destiné à réduire ou réorganiser le temps travail. « On doit se demander s’il est utilisé à bon escient. Est-ce que l’employé va revenir dans l’entreprise en pleine forme ? » A ce titre, certaines expérimentations excluent par exemple le mercredi comme journée non travaillée afin de permettre au salarié d’accéder à un vrai temps de repos. Plus globalement, l’Aract réalise une veille, en France mais aussi à l’international, et mentionne des expérimentations en Espagne, au Japon, en Nouvelle-Zélande, en Angleterre, en Ecosse… « Il y a beaucoup d’études en cours, il faut encore être patient pour avoir les résultats. » Certes le sujet ne laisse pas indifférent mais il reste très lié à « la maturité de l’entreprise à se positionner sur une question comme celle-là ».

À lire aussi ...