Hier
Chaque nuit, dans Poitiers, des bénévoles effectuent des maraudes afin d’apporter un peu de réconfort aux sans-abri. Plongée dans l’envers du décor.
19h30, rue Carnot, à Poitiers, un mardi soir de novembre. La nuit est tombée. Confinement oblige, les passants sont rares, des livreurs à vélo passent et repassent. Comme chaque soir ou presque, Youssef Maïza, le créateur du collectif Entraides citoyennes fait sa maraude. Elle commence là, devant le supermarché encore ouvert. Sur son portable défilent les nombreux messages reçus dans la journée, des appels à l’aide pour pouvoir manger, ne pas ou ne plus dormir à la rue, parfois juste pour une couverture. Steeve dort depuis plus d’une semaine à l’hôtel Astral, comme quatre autres « sans domicile fixe ». Il a fait une demande de logement et est suivi par un travailleur social. Il arrive vers Youssef avec à la main un sac de nourriture, le butin de la « manche » du jour, faite avec quelques autres. Trop pour eux alors ils préfèrent partager. Dans la rue, la solidarité n’est pas un vain mot. Dans la poche de son blouson, Youssef conserve au chaud un chèque-vacances que lui a remis Babou. Elle aussi l’a récupéré en faisant la manche, elle souhaite qu’il serve à payer les chambres d’hôtel. « Je dormais en face du Bureau, dans un petit duvet de m…, raconte Steeve. Et puis on m’a parlé de Youssef et il m’a trouvé une chambre. » Sa reconnaissance est palpable. « Au 115, il n’y avait jamais de place pour moi, même en collectif. Le collectif ce n’est pas mon truc parce que j’ai eu des embrouilles dans le 28 (ndrl, département de l'Eure-et-Loir)mais pour avoir un toit sur la tête… Certes on est à la rue, mais on est des êtres humains comme tout le monde !», s’exclame-t-il.
« Poitiers est une ville solidaire »
« L’esprit de solidarité est dans toute la chaîne. Souvent, les personnes à qui j’apporte quelque chose m’attendent avec autre chose. Ce n’est pas de la charité », sourit Youssef. Lui en est convaincu, « Poitiers est une ville solidaire ». Mais une ville où des personnes, malheureusement, dorment encore à la rue. « Avec une cinquantaine de T1 et T2, la problématique serait résolue. Certaines personnes font le choix de rester dans la rue, mais d’autres veulent s’en sortir. Pour elles, le logement est le début d’une nouvelle vie. » Malheureusement, le temps des bailleurs n’est pas celui de la rue, immédiat. Aussi Youssef salue-t-il l’ouverture de la halte de nuit dans l’ancienne caserne de Pont-Achard, à l’initiative de la Ville, en lien avec la Croix-Rouge et de la Direction départementale de la Cohésion sociale « Il n’y a pas toujours de la place au 115, certifie Youssef. Alors dix places, c’est toujours bon à prendre, ce sont dix personnes qui sortent de la rue. Le principal, c’est qu’elles dorment au chaud ».
Un pichet isotherme à la main, Tiphaine, Chloé et Hilaire se joignent au petit groupe qui s’est formé devant le supermarché. Ils font partie de l’Aumônerie des étudiants qui, en collaboration avec l’association Saint-Vincent de Paul, propose chaque mardi soir une soupe chaude, faite maison. On fait connaissance, on discute, on se donne des nouvelles de l’un, qui squatte ici, ou de l’autre, qui dort là. On se dit à demain. Youssef poursuit sa maraude. Dans un parking souterrain, la « chambre » de fortune d’un homme qui s’était installé là les jours précédents a disparu. Les cartons étalés à même le sol, dans les taches d’huile, ont disparu. « Il a dû être délogé », déplore Youssef. Un petit tour de parking pour vérifier qu’il n’abrite pas une autre personne dans le besoin. A l’angle d’une rue, on aperçoit les chasubles des bénévoles de la Croix-Rouge. Plusieurs associations arpentent chaque soir la ville, pour parer à une urgence devenue encore plus prégnante avec la chute des températures.
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