L’eau et le feu

Championne du monde de natation en sport adapté, Alicia Mandin, 20 ans, n’a cessé de mener combat contre les vieux démons d’une jeunesse tourmentée.

Christophe Mineau

Le7.info

Elle puise son énergie dans un tempérament de feu. C’est pourtant dans l’eau qu’elle s’est affirmée et émancipée. Championne du monde 2007 du 50 m nage libre, catégorie sport adapté, Alicia Mandin n’a pas eu une vie simple à gérer. Aujourd’hui épanouie et apaisée, cette jeune femme de 20 ans n’a eu de cesse de livrer des combats, contre elle-même et les autres, pour s’intégrer. Sa scolarité, contrariée par ses difficultés de concentration, a fragilisé son adolescence. Ses emportements orageux ont mis en péril ses carrières sportive et professionnelle. “C’est vrai que rien n’a été simple pour moi”, éclaire Alicia d’une voix pudique. Sa réussite n’en fut que plus belle. « J’ai donné du sens à mon existence, par petites touches », se félicite-telle.

Ses premières armes “aquatiques”, Alicia les fourbit dès l’âge de 12 ans. Elle fréquente dans le même temps l’Institut médical éducatif Pierre-Garnier, où elle avance pas à pas. Dans les bassins, elle accélère, encore et toujours. Les résultats ne tardent pas à venir couronner sa détermination et son talent.


Dysléxie vaincue

Championne de France, championne d’Europe, l’histoire est en marche. Le plus beau reste à écrire. En août 2007, à Ghent, en Belgique, la Poitevine accroche l’or mondial sur 50 m nage libre et l’argent sur la double distance. La consécration suprême. “Cette victoire a d’abord été le fruit d’un travail sur elle-même, un travail qu’il l’a amenée à mieux contrôler ses émotions, ensuite l’aboutissement de centaine d’heures d’entraînement”, explique Bertrand Sébire, son coach de toujours. L’ex-nageuse des Dauphins de Châtellerault, aujourd’hui au Stade poitevin(1), confirme. “Maintenant, je suis moins fougueuse, plus posée, moins spontanée”, explique-t-elle.

Dans la vague de ses exploits sportifs, Alicia, plus décomplexée que jamais, décroche son CAP de vendeuse, son permis de conduire, son premier appart’ et son premier job à Décathlon. Une fierté. Aujourd’hui, elle est en quête de “normalité”. Elle est animée d’une énorme envie de s’intégrer après avoir relevé des défis improbables, comme celui qui consistait à vaincre sa dyslexie. “Je me souviens aussi de la hargne avec laquelle elle défiait les filles du sport-études qui sont devenues maintenant ses copines”, illustre son coach, qui l’a toujours considérée comme une athlète à part entière. Alicia acquiesce : “Je sortais de l’IME et j’avais décidé d’y laisser mon handicap pour me fondre avec les
autres.

Bertrand Sébire reprend la main : “En fait, il y a deux Alicia. Une Alicia dans l’eau, apaisée, concentrée, battante et hyper compétitive et une Alicia hors de l’eau, toujours un peu introvertie, un brin méfiante et craintive.” L’exemple est édifiant : quand il s’agit pour elle d’évoquer son avenir et les Jeux paralympiques de Londres auxquels elle pourrait participer, Alicia Mandin reste dubitative. Elle ne veut rien promettre. La faute à ces genoux qui la font souffrir et douter d’elle-même. “Depuis toujours, je vis au jour le jour. Je ne me projette jamais. J’avance pas à pas, au feeling, sans me prendre la tête”, se justifie-t-elle avant d’offrir, dans un ultime sourire empreint de générosité, cet aveu : “J’aime le catch, la bagnole, la moto et la bagarre.” Alicia Mandin, l’eau et le feu.

(1) Alicia Mandin est aussi membre du CREF (Centre régional d’entraînement et de formation) du CREPS Poitou-Charentes.

 

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