Noël Gutrin, 60 ans dans quelques jours. Chef cuisinier du Futuroscope(1), ce Bourguignon au caractère bien trempé aime la bonne chère et les challenges. A table.
Il flippe. A peine rentré de Shenzen, Noël Gutrin remet le couvert ce samedi au Futuroscope à l’occasion de l’inauguration d’“Arthur, l’aventure 4D”. Autour de Besson et sa clique, le gratin de la presse parisienne et un aréopage d’officiels rompus aux buffets de chez Lenôtre. Et le sien de buffet déjeunatoire pour 1 400 convives, de quoi se composera-t-il ? “Avec toutes les équipes de restauration du Futuroscope(2), nous avons prévu plusieurs ambiances : bio, moléculaire, wak, brochettes...”, détaille le chef par le menu. Près de 30 000 pièces à confectionner et, évidemment, aucun droit à l’erreur. Alors, Noël Gutrin “flippe”, selon ses propres termes.
Et pourtant, ce Bourguignon de presque 60 printemps -né un 25 décembre- n’est pas à proprement parler un perdreau de l’année. A 14 ans, il fréquentait déjà les restaurants gastronomiques, du côté des fourneaux évidemment. “J’ai eu la chance de démarrer dans un trois macarons (Ndlr : l’équivalent d’un trois étoiles Michelin d’aujourd’hui), la Lameloise, à Chagny-en-Bourgogne.” Trois années d’apprentissage à cinq kilomètres du cocon familial, avouez qu’il y a pire. D’autant que le chef de l’époque ressemblait à tout sauf au “gros cuisto gueulard avec des varice saux jambes”, dixit Noël.
Remise en cause
Ceux qui côtoient le chef du Futuroscope au quotidien le qualifient de cuisinier “charismatique”. Lui-même se définit comme “exigeant”, “perfectionniste” mais “juste”. Loin, en tout cas, de la terreur des cuisines dépeinte plus haut et qu’il abhorre. Avec le temps, Noël Gutrin a appris à se poser, au sens propre comme au sens figuré. Après la Bourgogne, le relais château d’Evian, le Grand hôtel du Cap Ferrat, La Plagne, Clermont-Ferrand et Paris, le chef a établi ses quartiers dans la Vienne en 1994. Comme responsable de production culinaire du Futuroscope. “Je suis arrivé ici un peu par hasard, parce que j’ai formé des cuisiniers qui travaillaient au parc...” Il pensait rester six mois, il y est depuis quinze ans.
Adepte de la remise en cause permanente, le cuisinier s’est laissé embarquer dans l’aventure, persuadé de tenir là un “challenge personnel” à la hauteur de ses ambitions. Un exemple ? La gastronomie moléculaire. Beaucoup de ses confrères auraient sans doute fait la moue à l’idée d’introduire “une touche de modernité” dans la très traditionnelle gastronomie française. Lui pas. “La gastronomie moléculaire colle avec l’image du parc. Je n’ai vraiment pas l’impression de me renier. Je suis plus que jamais un disciple d’Escoffier, mais un disciple curieux !”
Plaisir et souvenir
De toutes les manières, le reniement ne fait pas partie du personnage. Entier jusqu’au bout des ongles, Noël Gutrin entretient des rapports de respect avec les autres toques de l’Hexagone. Comme elles, le chef du Futuroscope partage la modeste ambition de donner à ses convives du plaisir et de facto de leur laisser un souvenir. Plaisir, souvenir. Deux noms communs aux vertus cardinales chez mister Gutrin. Au-delà des plaisirs de la chair, lui se délecte de “petits riens”, comme des sorties à vélo avec ses copains. Depuis trente ans, il parcourt 10 000 kilomètres par an. Au gré de ses passages au Cap Ferrat et à La Plagne, il fut en son temps un amateur de plongée sous-marine et de ski. Avec, toujours, l’ambition de relever un challenge personnel. Chaque été, le co-fondateur des Toques blanches cyclistes précède ainsi les coureurs du Tour de France sur une étape de montagne. Après le Ventoux en 2009, ce sera le Tourmalet en 2010. De quoi procurer chez ses deux enfants une certaine fierté.
Entre fierté et regrets, le cœur de Noël balance. A l’aube de son soixantième anniversaire, le chef du Futuroscope n’a (toujours) pas exaucé son rêve de gosse : “cuisiner sur un bateau et voyager”. Promis, il se rattrapera.
(1) Noël Gutrin dirige le Kadéliscope, le Cristal
(2) Franck Floze dirige le service restauration du Futuroscope.