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Roland Sérazin. 69 ans. Petit-fils de l’écrivain Jean- Richard Bloch. Fils de France Bloch et Frédo Sérazin, héros de la Résistance.
Sur la queue de ce petit avion de bois, deux initiales – “R.S.” - s’offrent à la postérité. Depuis plus de soixante- cinq ans, elles renvoient Roland Sérazin à l’innocence de ses jeux d’enfant. Et à la jachère de ses souvenirs affectifs.
“Mon père est venu me voir peu de temps avant sa mort. Je n’avais pas quatre ans, je ne m’en souviens pas”. Longtemps, très longtemps, “trop longtemps”, Roland a enfoui dans sa mémoire, tel un trésor dans la crevasse du temps, le rappel de cette rencontre furtive avec Frédo, ce papa inconnu. “Je n’ai su qu’après bien des années qu’il avait lui-même fabriqué cet avion, en témoignage de son amour pour moi, derrière les barreaux de sa captivité.” Depuis l’âge de quatre ans, Roland Sérazin est orphelin. Privé de l’affection de ses parents par la barbarie d’une guerre sans nom. Jamais, jusqu’au seuil de la sagesse, il ne se sentit le devoir d’exhumer, d’un passé ravagé, l’histoire de l’union improbable de France Bloch, jeune juive intellectuelle, communiste et chimiste, et de Frédéric Sérazin, ouvrier tourneur sur métaux et syndicaliste convaincu, instigateur reconnu des grèves de 1936. Jamais, jusqu’au seuil de la sagesse, il n’éprouva le besoin de soulager sa conscience du poids de l’explication. Jamais, jusqu’au crépuscule des années 80 et cette demande du cinéaste allemand Hans Zorn de réaliser un film sur la vie de France, Roland n’osa en demander plus aux membres de sa famille. Zorn mort, le flambeau de la création fut repris par une jeune réalisatrice germanique. Le film fut tourné. Un autre verrait le jour. “Marie Cristiani, journaliste à France 3 Corse, est venue me proposer un nouveau documentaire sur l’action résistante de ma mère”, relate Roland.
Après des années d’hésitation, c’est l’histoire d’un couple qui sortit du néant. Depuis le printemps 2005, “France Bloch, Frédo Sérazin, un couple en Résistance” offre à la face du monde l’image d’un amour éphémère mais inaltérable, entre deux “tempéraments passionnés et militants” qui ont défendu jusqu’à la mort leur idéal de liberté. Evelyne Bouix et Pierre Arditi y prêtent leur voix à France et Frédo, dans une correspondance émouvante et authentique. “Le ton était tellement juste qu’il m’a ouvert les yeux sur ma propre histoire”.
Roland Sérazin a aujourd’hui 69 ans, mais se sent en paix avec lui-même. De recherche en compilation de documents, l’enfant de la Résistance a mûri sa fierté d’être le fils de deux “héros”. “Sans que je l’exprime réellement, je les ai toujours considérés comme tels, avouet-il dans un trémolo d’émotion. Je n’avais en revanche jamais jaugé la force de leur amour.” “Il m’a fallu du temps pour comprendre et aller vers eux, apaisé”, déclare-t-il en préambule du film. Sur les ailes du petit avion de bois sculpté, “R.S.” a rêvé maintes et maintes fois de voler à la rencontre de ses parents. Le démon est exorcisé. Roland, France et Fréd sont réunis pour l’éternité.
Au panthéon des “héros”
Fille de l’écrivain Jean-Richard Bloch, propriétaire d’une maison familiale à la Mérigote à Poitiers, France appartient à l’élite intellectuelle. C’est au lycée Victor-Hugo de Poitiers, au tout début des années 30, qu’elle obtient deux baccalauréats de philosophie et de sciences, puis à l’université de la même ville qu’elle décroche une licence de chimie. Frédo Sérazin est lui ouvrier métallurgiste.
Militants communistes, les deux jeunes gens s’engagent dans les luttes sociales et le soutien à la République espagnole. Ils se promettent fidélité le 13 mai 1939 à Paris XIVe.
Rapidement mobilisé, Frédo est tout aussi vite interné, à Saint-Benoît, près de Paris, et à la forteresse de Sisteron. Le 28 janvier 1940, France donne naissance à Roland. Un an plus tard, elle rejoint l’organisation armée du Parti Communiste clandestin. Et est rapidement chargée de concevoir des explosifs pour le combat de la Résistance contre le IIIe Reich.
Arrêtée en mai 1942, elle est condamnée à mort pour actes terroristes par un tribunal allemand et transférée dans une prison de Hambourg où elle est décapitée, le 12 février 1943. Frédo, de son côté, s’évade par deux fois, et rejoint les FTPF de la Loire. Arrêté par la Gestapo en juin 1944 à Saint-Etienne, il est torturé et exécuté.
Quelques heures avant sa mort, France écrit à son époux : “Mon Frédo, cette lettre est la dernière que tu recevras de moi. Ce soir, à 9h, je vais être exécutée…” Jamais il ne la recevra.
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jeudi 21 novembre