mardi 24 décembre
Christine Fernandez-Maloigne(1), 45 ans. Seule femme directrice d’un laboratoire de la Faculté des Sciences fondamentales et appliquées de l’Université de Poitiers, cette hyperactive mène de front carrière professionnelle et vie de famille. Portrait d’une chercheuse soucieuse à l’heure des grandes réformes gouvernementales.
Si cela n’avait tenu qu’à elle, Christine Fernandez- Maloigne ne dirigerait pas le labo Signal, Image, Communications (SIC)(2). Seulement voilà, l’intéressée a fait jouer “l’esprit d’équipe” avant ses contingences personnelles. On fait corps dans la communauté scientifique. Et tant pis si le management de cette véritable PME lui occasionne “un emploi du temps pas possible”. Elle est payée de retour. Management des ressources humaines, conduite de projets, prospection…La spécialiste du traitement de l’image apprend au fur et à mesure les contours de ce nouveau poste à responsabilité. Et des missions dans des instances nationales et internationales qui vont avec. Quand on lui fait remarquer qu’elle est la seule femme de la Fac de Sciences à diriger un laboratoire, Christine Fernandez-Maloigne feint de ne pas être fière. Puis se ravise illico. “Ce n’est pas une fierté particulière de figurer dans les hautes instances ! Ce qui me rend heureuse, c’est d’être une mère de famille de 4 enfants et de montrer que c’est possible de concilier carrière et vie privée.”
Sur le sujet, l’épouse d’un… dirigeant de PME revendique une certaine indépendance d’esprit et une liberté de ton assumée. “Je trouve que les femmes qui accèdent à des responsabilités ont trop souvent tendance à se déguiser en hommes, aussi bien physiquement que dans leur attitude. Cela ne fait pas avancer la cause… Personnellement, je suis une femme qui revendique sa féminité et ses compétences.” Promis juré, dans son laboratoire, Christine Fernandez-Maloigne ne ferraille pas avec la gent masculine. Il existe même, à l’écouter, une forme de “complémentarité”. Il faut dire que madame la directrice “délègue beaucoup” et “fait confiance” à ses proches collaborateurs.
La confiance. Un mot sacré qui semble en rupture de ban dans les laboratoires de recherche de France et de Navarre. Par delà son féminisme revendiqué (mais pas trop !), Christine Fernandez-Maloigne se montre avant tout solidaire de la communauté scientifique dans son ensemble au moment du grand lessivage de printemps gouvernemental. “J’aimerais convaincre les “ jeunes filles et les jeunes tout court de s’engager dans des filières scientifiques, aujourd’hui désertées. Mais quelles perspectives de carrière leur offre-t-on ?” Elle qui avait privilégié la recherche à l’industrie pour “satisfaire sa curiosité intellectuelle” et ”conserver une certaine forme de liberté” doute de son avenir. Heureusement, la direction du laboratoire SIC constitue une “aventure humaine formidable” qui contrebalance les tracas administratifs du quotidien et les incertitudes liées au statut des enseignants-chercheurs. Si c’était à refaire, elle le referait. Au nom de “l’esprit d’équipe” et ne serait-ce que pour avoir ouvert la voie à d’autres femmes.
(1) Christine Fernandez-Maloigne est l’une des sept personnalités à chroniquer chaque semaine dans 7 à Poitiers, rubrique Regards.
(2) Unité mixte de recherche CNRS-Université de Poitiers hébergée au SP2MI et rattachée à l’Institut de recherche XLIM.
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