Crise Covid : cinq ans et après ?

Cinq ans après le début de la crise Covid, force est de constater que le « monde d’après » ressemble étrangement à celui d’avant, même si des lignes ont bougé dans le secteur de la santé.

Claire Brugier

Le7.info

Jour et nuit, ils montent la garde derrière les portes vitrées de la tour Jean-Bernard du CHU de Poitiers. Une rangée de distributeurs de masques et de gel hydroalcoolique devenus familiers à tous depuis cinq ans, depuis le début de la crise Covid. Auparavant cantonnés au monde médical, ils ont essaimé partout, dans les entreprises, les commerces… les sacs à main. « Désormais, au-delà des soignants, les patients ont plus le réflexe de se protéger en protégeant les autres », constate le Dr Philippe Bouchand, de l’URPS-Médecins libéraux. Cela suffit-il à définir le « monde d’après » ? Sans doute pas mais la période a indéniablement marqué le secteur de la santé. Le masque obligatoire au CHU en période de transmission virale (grippe, bronchiolite), c’est elle ! « La crise a servi d’accélérateur pour améliorer les connaissances des professionnels sur les protocoles qui permettent de limiter les infections nosocomiales, note le Dr Sarah Thevenot, responsable de l’Equipe opérationnelle d’hygiène (EOH). Cela a permis aux personnes de comprendre à quoi servaient les gestes barrières, cela a donné du sens à nos messages. » Et après l’avoir longtemps espéré, l’EOH a enfin mis en place un réseau de surveillance des infections virales nosocomiales. « On est aujourd’hui capable d’évaluer le nombre de patients touchés, donc de détecter les épidémies hospitalières et d’agir plus rapidement. »

Surveillance et alerte

En amont, « aux urgences, le diagnostic virologique respiratoire s’est systématisé pour les patients symptomatiques, complète le Dr Nicolas Lévêque, chef du laboratoire de virologie et mycobactériologie. On a aussi constaté que l’épidémie de Mpox a fait ressortir les réflexes du Sars-Cov2, en termes de cellule de crise, circuit du patient, prévention… » Et même si le séquençage du Covid a été recentralisé dans des laboratoires spécialisés, les outils de génotypage sont restés, tout comme les connexions informatiques entre laboratoires hospitaliers et privés, hôpitaux…


« Des partenariats solides entre les acteurs de terrain et institutionnels ont perduré, globalise Benjamin Daviller, directeur de l’ARS de la Vienne. Exemple concret : une coordination régulière de la gestion des tensions hospitalières, qui permet de faire face aux difficultés de recrutement auxquelles les établissements sont confrontés. » 
La période a aussi confirmé la pertinence des réseaux de surveillance, suscité le développement d’outils d’alerte comme Medvigie en Nouvelle-Aquitaine, et plus largement favorisé 
« une « culture » de la gestion de crise ». Un nouveau service a même vu le jour le 1er mars au ministère : le Centre de crise sanitaire (CCS). 


Regrets

« La crise nous a permis de nous rendre compte que l’on avait tous à gagner à communiquer, mais cela aurait dû entraîner une vraie réflexion sur la télémédecine, tempère le Dr Bouchand. On aurait aussi pu lancer de grandes études épidémiologiques, ou faire un panorama de l’impact que cela a eu chez tout le monde, en premier lieu les soignants. S’il y a aujourd’hui un épuisement chez les professionnels de santé, c’est en partie parce que cette période a été mal digérée. » Le médecin généraliste 
« regrette que l’on n’ait pas tiré le maximum d’enseignements de cette crise ». Laquelle semble loin déjà. Le gouvernement vient d’abroger, entre autres, le remboursement par l’Assurance maladie des autotests et des tests antigéniques. Doit-on y lire le signe que la société est « en rémission » de crise ? Des séquelles subsistent pourtant, les victimes du Covid long peuvent en témoigner (cf. p. 4).

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