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L’Espace de réflexion éthique de Nouvelle-Aquitaine (Erena) s’étend sur trois sites, aquitain, limousin et picto-charentais, mais le dernier cité, installé au CHU de Poitiers, est le seul à être hébergé dans une tour portant le nom de Jean Bernard. Cette tutelle silencieuse du premier président du Comité national consultatif d’éthique réjouit la Pre Nathalie Nasr. La neurologue, spécialisée dans la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux -entre autres sujets de ses recherches-, vient de succéder au Pr Roger Gil(*) à la direction de l’Erena Poitou-Charentes. Une évidence. « Face à lui, je me vois comme dans un miroir à plusieurs décennies d’intervalle. Comme lui, je suis PU-PH (ndlr, professeur des universités-praticien hospitalier), et comme lui je suis neurologue avec la préoccupation éthique ancrée en moi. »
« Est-ce qu’on fait bien ? Est-ce qu’on fait le mieux possible ? » La Pre Nasr pose et se pose ces questions nécessairement au présent. « Je suis plombier du cerveau, je veux une éthique en temps réel, pas au moment du débrief, assène la praticienne. En neurologie vasculaire, chaque minute compte. Un processus décisionnel dans l’intersubjectivité, ça peut durer 30 secondes au milieu de la nuit. L’éthique professionnelle n’est pas une chorégraphie de l’acte médical, elle est dans l’acte médical, dans le même temps, dans la décision mais aussi la relation au patient qui peut être traumatisé s’il se sent pris en charge comme un objet. L’éthique du soin consiste à s’ajuster à un patient donné. »
La crise Covid aura servi d’accélérateur. « En 2020, au CHU de Toulouse, par crainte que le nombre de malades empêche des décisions concertées, nous avons mis en place une Cellule éthique Covid-19 dotée d’une astreinte d’aide à la décision pour les cas aigus, rappelle la neurogologue, arrivée au CHU de Poitiers en 2022. Cela m’a fait prendre encore plus conscience de l’importance de l’enseignement de l’éthique. » Il faut dire qu’en faculté de médecine la question a longtemps été cantonnée à « des ateliers épars et optionnels ». Aujourd’hui ? « Elle est encore souvent noyée dans différents modules », déplore la responsable de l’enseignement à l’European Academy of Neurology, co-créatrice avec le Dr Delpha du DIU Ethique en santé Poitiers-Toulouse. Ouvert dès 2023 en Haute-Garonne, il s’adresse aux « médecins, personnels soignants, directeurs d’hôpitaux, d’Ehpad… Toutes les personnes qui ont les mains dans le cambouis de la santé ! », assène la Pre Nasr, convaincue que la réflexion doit être collaborative et inclusive, à l’échelle de la France et de l’Europe comme du Poitou-Charentes. « Le territoire est riche de personnes ayant une expertise en matière d’éthique, qu’elles viennent du soin, de la médecine, du droit, de la philosophie, de la psychologie ou du monde de la recherche en sciences humaines et sociales. » A l’Erena, la nouvelle directrice veut s’inscrire « dans la continuité et l’anticipation des besoins futurs », en particulier face aux enjeux majeurs soulevés par l’intelligence artificielle et les changements environnementaux.
(*) Il reste président du groupe de soutien éthique de l’Erena.
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