Évaluer la mémoire 
des personnes sourdes

Malgré l’importance de la mémoire dans le diagnostic de certaines pathologies, les personnes sourdes pratiquant la langue des signes n’ont toujours pas accès à des tests adaptés. Une anomalie que l’orthophoniste Pierre-Alexandre Bérard est sur le point de corriger.

Charlotte Cresson

Le7.info

Tumeur cérébrale, AVC, traumatisme crânien, maladie d’Alzheimer ou encore suites de neurochirurgie... La mémoire est complexe et peut être endommagée. Dans le service de neuropsychologie du CHU de Poitiers, l’orthophoniste Pierre-Alexandre Bérard côtoie chaque jour des patients atteints de troubles touchant le cerveau. Épaulé par ses confrères et des psychologues spécialisés en neurologie, le chercheur travaille sur un projet visant à adapter les tests d’évaluation neuropsychologique centrés sur la mémoire pour les personnes sourdes qui s’expriment en langue des signes française (LSF). Car aussi surprenant que cela puisse paraître, « aujourd’hui, contrairement aux Anglo-Saxons, nous n’avons pas d’outil qui permet d’évaluer les personnes sourdes », indique-t-il. Cette étape est pourtant cruciale. 
« L’évaluation de la mémoire constitue une étape clé dans le diagnostic de certaines pathologies comme la maladie d’Alzheimer ou pour établir des plans de suite thérapeutique en neuropsychologie, comme après un AVC par exemple. »

Des lacunes à combler

Sensibilisé à la langue des signes française lors de ses études à l’université de Poitiers, Pierre-Alexandre Bérard a rapidement constaté les difficultés de prise en charge des personnes sourdes en France. « Dans le service, nous faisons passer des bilans neuropsychologiques aux patients afin de voir comment leur mémoire fonctionne. Ces tests doivent être faits dans la langue maternelle du patient. Un jour, un neurologue m’a envoyé une patiente sourde qui s’exprimait en langue des signes, mais il n’y avait pas de test adapté. » Les supports existants reposent en effet sur des listes de mots à l’écrit et à l’oral, « alors que 80% des personnes sourdes sont illettrées ». « L’idée est donc de faire des listes de mots en vidéo. Nous nous sommes basés sur un test qui existe en français. » Le projet, lancé début janvier, sera testé sur « des sujets sains » 
puis sur des personnes « avec troubles ». « L’objectif est d’améliorer les outils d’évaluation pour que les sourds aient accès aux soins comme n’importe qui. » Innovant, ce projet a pu bénéficier d’un soutien du Fonds Aliénor à hauteur de 74 917€, permettant de financer les tests mais aussi l’indemnisation et les frais de déplacement pour les participants et les interprètes. L’étude devrait durer vingt-quatre mois, mais Pierre-Alexandre Bérard travaille sur d’autres projets en parallèle et dans « la même veine », comme ses recherches sur l’inhibition qui devraient aboutir courant 2025.

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