La politique de la langue

Le Regard de la semaine est signé Océane Naud.

Le7.info

Le7.info

Dès que j’en ai l’occasion, j’apprends les rudiments d’une langue étrangère. Pour l’instant, j’ai pu en découvrir huit. Je suis loin de pouvoir communiquer avec toutes, mais au-delà de leur maîtrise, elles m’ont surtout permis de découvrir d’autres cultures, d’autres façons de penser, et donc d’essayer de mieux comprendre le monde.


Le mois dernier, j’ai vu une vidéo YouTube intitulée 
« Are these words « unstranslatable » into English ? » 
(Ces mots sont-ils intraduisibles en anglais ?), dans laquelle le youtubeur partage les mots français qui, selon lui, devraient exister en anglais. Parmi eux, on retrouve « gourmandise », 
« bouquiner », « flâner ». Quel 
est le point commun entre ces mots ? J’ai envie de dire l’idée de faire quelque chose, d’en profiter, sans but ni besoin de « récompense » quelle qu’elle soit.

Quand on s’attarde sur ces mots pourtant si familiers, on peut se dire qu’ils reflètent dans leur concept une façon de profiter de la vie. Des habitudes françaises que les Anglo-Saxons nous envient beaucoup, comme avoir le temps de déjeuner, cuisiner, les cinq semaines de congés payés, l’équilibre du temps personnel et professionnel… On a tendance à oublier ces victoires, ces moments alors qu’ils font partie de notre langue, de notre culture. Nos mots reflètent une partie de notre culture. C’est pourquoi les mots que nous utilisons sont aussi le miroir d’où nous venons, de notre réflexion et de nos idées. Par extension, le choix de nos mots est politique.

Nommer quelque chose, c’est lui donner une existence et un sens. Les mots forment notre cerveau, notre conception du monde. L’inverse est aussi vrai et c’est fascinant. Une étude publiée dans le Psychological 
Bulletin en 2023, menée par des psychologues allemands et suisses, a montré que les Tsimanes, une ethnie isolée d’Amazonie bolivienne, ne font pas de distinction entre le vert et le bleu. L’équipe de scientifiques a découvert que ceux qui ont appris l’espagnol comme seconde langue ont, eux, commencé à distinguer les deux couleurs et à utiliser des mots différents pour les désigner. Ils sont devenus par la suite plus précis dans la description des nuances de rouge et de jaune. Une preuve, selon les chercheurs, qu’apprendre une autre langue permet d’accéder à des concepts inconnus dans sa culture. De voir le monde différemment.

Un petit détour géographique pour vous dire : affinez, décodez, questionnez, « raisonnez » 
les mots que vous utilisez et ceux que vous entendez.

CV express
Francilienne de naissance, je suis arrivée dans le Poitou, terre de mes ancêtres, en 2019, pour continuer ma carrière dans l’édition. Depuis, je fais mon chemin personnel en tant que rédactrice, autrice et autres casquettes. J’aspire à explorer toujours plus de nouveaux sentiers.

J’aime : les arts, la lecture, l’écriture, le thé Yunnan.

J’aime pas : le manque de bienveillance.

À lire aussi ...